Il y a des disques qui laissent comme un sentiment partagé, il y a des artistes qui savent susciter l’entre-deux. The National et leur « High Violet » sont un peu comme ça. J’avoue que moi aussi je ne sais pas trop, comme coupé en deux, écartelé entre plusieurs choses, plusieurs voies. Du coup, j’ai accueilli ce disque de façon mitigée …
A la première écoute, j’ai gardé de la distance, je suis resté assez froid face à certaines de ces compositions qui donnent parfois l’impression d’être comme coincé entre des guitares saturées, un piano lointain, une basse proéminente et le trop-plein d’emphase de certains violons. Beaucoup trop d’intentions et d’émotions sur Terrible Love ou Sorrow … Et pourtant il y a toujours cette voix au timbre grave de Matt Berniger, parfois proche de celle de Stuart Staples, toujours dans l’entre-deux, pleines de doutes, de renoncement, mais aussi de pages tournées et de lendemains un peu meilleurs, entre les larmes et l’inspiration tout en gardant un certain détachement.
C’est finalement cette voix que je garderais de ce disque, c’est la chose la plus touchante que j’ai pu y entendre, bien plus que le reste de ces constructions parfois trop dans la retenue, dans la montée en puissance qui retombe parfois trop tôt par désarroi, comme si les musiciens avaient eu le vertige en voyant jusqu’où ils pouvaient aller. « High Violet », un disque du milieu, comme on parle du cinéma du milieu … Pas assez personnel pour toucher entièrement, pas assez commercial pour susciter l’approbation globale. Une musique pour des personnes entre deux âges, qui errent entre deux arrêts de métro, coincés entre leurs obligations et certaines choses qu’ils voudraient faire sans vraiment avoir les moyens d’y arriver …
J’ai d’abord eu du mal à choisir un titre, puis finalement c’est Anyone‘s Ghost que je garderais par dessus tout. Là, The National y joue des compositions simples, des mélodies d’une rare beauté, c’est peut être la guitare acoustique discrète que j’ai entendu au début de ce morceau qui m’a fait chavirer, à moins que ce ne soit le refrain « Don’t want to be your ghost, don’t want to be anyone’s ghost ». Ce titre est superbe, le chef d’oeuvre de cet album qui n’en est pas un. Il faut dire qu’il y a des disques qui laissent comme un sentiment partagé, il y a des artistes qui savent susciter l’entre-deux. The National et leur « High Violet » sont un peu comme ça …
( ♫ ) The National – Anyone’s Ghost
Par Mathieu
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Chouette chronique. Elle reflète bien mon avis sur cet album. Un album du milieu, c’est joliment dit.
Pour moi c’est un album anodin mais qui est sauvé par qqs chansons absolument magistrales (celle là, Bloodbuzz Ohio, ce genre de merveilles). Mais, au risque de passer pour un vieux con, je trouve qu’ils ont perdu un truc qu’ils avaient sur leurs premiers albums et qu’ils ont déjà perdu depuis Boxer…
Je me retiens de ne pas te lire Mathieu, je bosse dur sur la mienne et une sorte de sélection perso.
J’ai essayé de ne pas trop m’attarder sur les détails, d’en rester aux impressions, à l’idée d’ensemble, à ce que je ressentais. Je n’ai pas décortiqué l’album morceau par morceau. Si ça peux t’aider … 🙂