On ne fait plus vraiment attention aux notes. On est pris par les sensations que procurent les basses fréquences. Il est assis là, sa basse est posée sur sa cuisse, les doigts de sa main droite jouent rapidement, tandis que la main gauche se promène sur le manche pour y trouver quelques rythmiques contrapuntiques qui vont du mi au si. Un chapeau sur la tête, il tape légèrement du pied pour suivre la rythmique, les percussions électroacoustiques. A côté de lui un grand barbu souffle dans son saxophone, la respiration est circulaire. L’idée de noirceur se répand comme une invasion grâce à cette nappe de sons polyphoniques produits par divers instruments.
La course permanente du travail a finalement sapé mes dernières forces. C’est dans ces moments là que j’aime bien me passer « Passage To Hades », un immense album de collaboration entre Evan Parker et Jah Wobble qui se révèle être l’un de ces grands moments d’écoute hypnotique. Les basses fréquences du dub rencontrent alors l’improvisation du free-jazz pour une série de quatre morceaux absolument passionnants. Et malgré toute la fatigue que l’on peut ressentir dans ces moments-là, surtout le soir, il restera toujours un peu d’énergie pour écouter cette basse et ce saxophone, joués ici par deux artistes dont les styles immédiatement reconnaissables se marient dans une immense musique improvisée.
Il y a ce jeu intuitif et hors cadre, mais avec il y a aussi cette précision et cette répétitivité, comme si la ligne de basse ne jouait pas exactement les mêmes notes à chaque fois, mais les fréquences sont si profondes que notre cerveau se déconnecte progressivement de toute forme de raisonnement analytique. Et puis on se perd doucement au milieu de toutes ses nappes de saxophones. On ne fait plus vraiment attention aux notes.
( ♫ ) Jah Wobble & Evan Parker – Passage To Hades
Par Mathieu