« Papa, tu chantes des trucs que j’comprends pas ! » Aujourd’hui, Laurent était dans son salon à jouer de la guitare folk et son fils venait de sortir de sa chambre, apparemment il avait réussi à se décoller de son jeu vidéo. Laurent était en train de terminer de jouer quelque chose, une composition improbable vaguement inspirée par Love Will Tear Us Appart et un obscur morceau de Neil Young. « Pourquoi tu ne chantes pas en français ? » lui a alors demandé son fils, la réponse fut immédiate « Je n’aime pas la chanson française ». Dehors il pleuvait, Laurent a repris sa guitare et son fils est retourné s’asseoir devant sa console de jeux.
« Sacré géranium / Tu sens bon la terre / Et toi aussi l’anémone ». C’était la fin du Week-end, Laurent venait de raccompagner son fils chez son ex-femme, il rentrait seul chez lui, et puis, sans trop savoir pourquoi, il s’est alors rappelé de ce disque de Dick Annegarn, c’était le premier de sa discographie, celui qui commence par Sacré Géranium, celui où il y a ce morceau qui passait souvent sur France Inter, Bruxelles. Il se voit là dans le salon, âgé de dix ans, avec le disque qui tournait en boucle sur la platine de ses parents. Dehors, c’était la banlieue Versaillaise et il avait déjà envie de partir. Il y avait aussi d’autres albums un peu chiant chez ses parents, mais seul celui de Dick Annegarn fait partie de ces choses de l’enfance que Laurent aime encore écouter.
Il se souvient que, quelques années plus tard, il se met à écouter du punk sur les conseils d’un type louche de sa classe, il avait trois ans de plus que lui, les résultats scolaires n’étaient pas très bons, redoublements, tout ça … Bref, il se souvient que le type louche lui avait prêté des singles des Sex Pistols, ça envoyait balader ses vieux disques, ceux de Genesis, Pink Floyd et surtout les Beatles. Bientôt on cachera tout ça pour montrer des trucs plus acceptables pour la rébellion adolescente … Pourtant, ce disque de Dick Annegarn restera longtemps dans l’étagère à vinyle de Laurent, sûrement grâce à toutes ses compositions folks, à Ubu et surtout pour cette chanson triste sur le suicide d’une Institutrice. « Puis de toute façon vous sentez toutes bon / Vous êtes toutes belles mes demoiselles ».
En rentrant chez lui, Laurent est passé par la cave, dans un carton il a retrouvé ce vinyle de Dick Annegarn. Quand il a reposé le diamant du tourne-disque ça craquait de partout dans les enceintes de la platine. C’est dimanche soir, la nostalgie aidant, ça passait tout seul … « Pas besoin de sous pour être bien / Pas besoin de vin pour être saoul ».
( ♫ ) Dick Annegarn – Sacré Géranium
Par Mathieu
Parfaite chronique, parfaite mélancolie. Ca passe tout seul.
Je suis content que ça te plaise !