Je me souviens, j’étais en première, j’écoutais Therapy, un groupe de bourrins qui avait connu son quart d’heure de gloire avec une reprise de Joy Division, Isolation. J’écoutais aussi religieusement Bernard Lenoir, et un soir ce dernier avait mis la version de Ian Curtis. Je me rappelle encore du vent glacial qui venait de s’introduire dans ma chambre, alors que je préparais mon bac de français. Quelques temps après, je me jetais sur “Closer”, cet album terrifiant qui accompagna nombreuses de mes idées noires. Plus tard, lorsque j’eus fini de pleurer toutes les larmes de mon corps, je découvris que j’avais aussi des jambes grâce à New Order et leur mythique Blue Monday.
Depuis j’ai toujours gardé une tendresse pour les mélodies de New Order qui savent manier l’art de l’équilibre entre l’inspiration pop électro gentillette de Bernard Sumner et les riffs rocks absoluement mythiques de Peter Hook, qui a viré en une sorte de Keith Richard New Wave. Depuis leur séparation, Hook tourne en rond dans de multiple side-projects et Bernard Sumner a su prouver le premier qu’il avait tourné la page avec un nouveau groupe, Bad Lieutenant, et un premier disque, “Never Cry Another Tear”.
A ce stade, il convient de parler du phénomène de la « frankblackisation », moment difficile où le leader d’un groupe se lance en solo, refait en moins bien ce qu’il faisait avant, et démontre que les autres membres étaient bien plus que des faire-valoir en faisant partis intégrante de l’identité sonore du groupe. Frank Black, Stephen Malkmus, et Mark Gardener sont atteints de ce syndrome, Alec Ounsworth ne devrait pas tarder de l’avoir, seul Lou Barlow tient bon, et Bernard Sumner vient d’attraper la « frankblackisation » avec son Bad Lieutenant.
Car on aura beau dire que Hooky est un idiot (ce qui a l’air vrai), qu’il est un piètre DJ, et que Freebass semble voué au plouf de la procrastination, ces lignes de basse suraigües étaient au cœur de la musique de New Order. On ne peut s’empêcher de noter leur absence sur l’ensemble du disque, surtout sur le premier morceau Sink Or Swim. Ce dernier est d’ailleurs le meilleur de l’album, une belle pièce pop, très mélodique et mélancolique, qui augurait d’une sympathique galette. Hélas après quelques titres du même acabit, mais en moins bien, on pousse rapidement un bâillement de lassitude, voire de fatigue sur la daube légèrement autothunée et gonflée aux stéroïdes guitaristiques qu’est Summer Days On Holyday. Sur Dynamo c’est carrément les Who et Won’t Get Fooled Again que Sumner repompe, et c’est très triste de le voir ainsi, alors qu’on l’a beaucoup aimé, composer un titre qui sonne comme le générique des Experts …
Tout ça pour dire que j’aurais aimé vouloir aimé ce disque, mais hélas l’ennui a été plus fort que mes bonnes intentions pour ce “Never Cry Another Tear”.
Par Mathieu
Lire aussi la chronique de Bad Lieutenant sur Good Karma.