En ce mois de décembre propice aux divers tops qui viennent nous offrir un récapitulatif assez rapide de l’année qui se termine, je m’étonne souvent de voir apparaître « The Lost Tapes » de Can dans la rubrique réédition. Non pas que le recueil de ces disques n’y ait pas sa place, mais je me demande pourquoi il ne figurerait pas directement dans le top des nouveautés. On y entend là un ensemble assez passionnant de titres que Can n’avait jamais édités. Surtout, je me demande encore comment ce groupe peut autant être en phase avec notre temps alors que toutes ces bandes ont été enregistrées aux débuts des années 70 ?

Découvrir « The Lost Tapes », c’est s’aventurer dans une collection de morceaux qui permet de prendre conscience de l’ampleur de ce que Can pouvait enregistrer avant de ne garder que l’essentiel sur disque. Il y a tellement de prises de risques dans ces bandes qu’elles en deviennent absolument passionnantes à écouter. On y entend cette section rythmique qui est au cœur de tous les morceaux de Can. Il y a la batterie métronomique qui peut se révéler épuisante à écouter si on s’y attarde trop. Il y a cette basse qui, après avoir poser les bases de ce que deviendra le morceau, finit toujours au bord de la folie. Il y a bien sûr la guitare et le clavier qui se battent pour imposer mille idées psychédéliques. Il y a enfin les chanteurs, Malcolm Mooney et Damo Suzuki qui, entre deux titres de spoken-word, ont su chacun à leur tour pousser le groupe jusque dans ses derniers retranchements …

( ♫) Can – Abra Cada Braxas 

Découvrir « The Lost Tapes », c’est aussi l’occasion de réécouter une version live de Spoon qui, à force de s’étirer sur environ quinze minutes, vous laisse au bord de l’hallucination. Niveau morceau de bravoure, on entend aussi Mushroom qui s’alllonge sur plus de huit minutes (on pouvait l’entendre aussi sur une réédition de « Tago Mago » sortie en 2011 pour les quarante ans de ce disque.) Et puis il y a ce titre, Abra Cada Braxas, un inédit joué en concert, preuve s’il en est de la puissance rythmique de Can, une certaine forme de discipline qui se termine souvent avec une explosion d’électricité, une sorte de jam psychédélique totalement free, absolument beau …

Découvrir « The Lost Tapes », c’est ce rendre compte que Can composait la musique du futur pendant les années 70. Pendant longtemps je restais méfiant à toutes formes un peu trop progressives dans le rock, surtout en provenance de cette époque. C’était avant d’écouter Can. Composer la musique du futur pendant les années 70 ça veut dire écrire la musique de maintenant, 2012. Découvrir « The Lost Tapes », c’est ce rendre compte combien la musique de Can est actuelle et tellement plus passionnante à écouter que tous les trucs labélisés un peu trop rapidement comme « rock indépendant ». Du coup je me demande encore pourquoi « The Lost Tapes » n’apparaîtrait dans les tops de l’année 2012 ?…

( ♫) Can – Midnight Sky

Par Mathieu