Je me souviens bien de « Remué », c’est avec ce disque que j’ai découvert Dominique A. Je n’allais pas très fort à l’époque, et quand je l’ai écouté je me suis dit que cette musique était faite pour moi. Je l’ai acheté quasiment le jour de sa sortie. Ma décision fut prise dès que j’ai lu l’interview de Dominique A dans Les Inrockuptibles, ainsi que la critique du disque. J’avais l’impression qu’on y comparait Comment Certains Vivent à du Sonic Youth, alors forcément ça m’avait interpellé. « A Thousand Leaves » était sorti il n’y a pas trop longtemps, je venais de voir le quatuor de Hoboken à la Mutualité (en première partie, il y avait Sister Iodine et Jean-François Pauvros). Il me fallait des guitares distordues dans les disques, sinon rien (ou presque.) Alors j’ai acheté « Remué », un disque de chanson française, mon dieu ces guitares au début. On était en 1999 …

Donc, je n’allais pas très fort à l’époque, et quand je l’ai écouté je me suis dit que cette musique était faite pour moi. J’étais dans cette école d’ingénieur à me demander si j’avais fait le bon choix. J’avais quelques amis mais pas beaucoup non plus, c’était plein de fils à papa que j’avais envie d’étrangler. J’habitais dans une résidence étudiante du côté de St-Ouen. La solitude et la scolarité pesaient presque autant que le froid en ce mois de mars. Dans son interview, Dominique A racontait comment l’enregistrement de ce disque avait été difficile, des problèmes personnels et des allers et venues en studio. Ca s’entend bien sur l’album qui est sûrement l’un des plus sombres de sa carrière. Musicalement, je lui préfère « La Fossette » et « L’Horizon », mais je garde, malgré tout, une place pour « Remué », qui fut l’un des rares disques a parfaitement collé avec ma tristesse, et ma colère aussi.

( ♫ ) Dominique A – Comment Certains Vivent

Et puis il y a eu cette séparation en septembre, cette même année, 1999. Alors je me suis repassé en boucle « Remué ». Les guitares distordues de Comment Certains Vivent faisaient office de couteau remué (sic) dans la plaie. Je marchais Boulevard des Batignolles en pensant aux paroles de Je Suis Une Ville. Je versais quelques larmes en écoutant Dominique A chanter « L’Amour est très surestimé ». Sans oublier les derniers mots de Le Morceau Caché, « Rien de tel pour se réveiller qu’un abcès crevé ». Après ça, paradoxalement ça allait mieux. Il fallait peut être en passer par là. Par ses ambiances blafardes. La musique console aussi. Aujourd’hui j’ai encore un peu du mal à l’écouter, surtout Comment Certains Vivent, même si j’aurais aimé voir ce titre en concert. J’imagine toujours Olivier Mellano et Dominique A en train de créer sur scène une espèce de mur du son qui vous torpille les oreilles. Plus tard j’ai vu Dominique A, seul sur scène, le travail sonore est impressionnant, minimaliste, avec juste une guitare et un clavier. Des samples aussi.

A un moment, j’ai revendu ce disque sur un coup de tête, lors d’un ménage de printemps. Je crois que je me suis débarrassé aussi de « La Mémoire Neuve » (je ne l’ai jamais vraiment aimé celui-là.) J’ai plus tard redécouvert Dominique A, Le Courage Des Oiseaux et L’Horizon sont pour moi les plus beaux titres du monsieurs, et je me souviens de leurs superbes versions live à la Route Du Rock, en 2009, Dominique A y était impérial. Et puis j’ai racheté « Remué ». Le regret, comme si j’avais voulu effacer trop rapidement quelques choses de désagréables qui faisaient quand même parties de moi. En le réécoutant là, je reste frappé par le calme de la guitare acoustique sur Le Détour. Une accalmie au milieu de la noirceur. Evidement la crise du disque était passée par là et le seul endroit où j’ai retrouvé « Remué » était un magasin O’CD du côté de Jussieu. Autant dire qu’avec la récente réédition de la discographie de Dominique A, je pense bien l’acheter une troisième fois. « Ils reviennent sur des lieux où ils ont mal vécu / Contents d’y retrouver leurs trucs mal digérés ».

( ♫ ) Dominique A – Le Détour

Par Mathieu