L’autre jour je suis parti tard du boulot. Je marchais dans la rue. Le soleil était en train de se coucher, je l’ai vu illuminer toute la ville. Je m’étais arrêté pour contempler le ciel déformé par un mélange de couleurs bleu et orange qui définissait l’esthétique fade de la pollution urbaine. Les rues étaient silencieuses et désertes et j’avais l’étrange sensation de parcourir une zone intermédiaire. Les fenêtres d’un appartement avaient toutes été ouvertes. On pouvait voir les rideaux qui flottaient au vent. Il y avait ce bourdonnement joué sur un synthétiseur. Les notes s’étiraient. Devant moi, le soleil finissait de luire avant de s’éteindre sous les arcanes ésotériques que forment les tours en verres de la Défense.

La nuit est tombée. Je me suis perdu. Il n’y avait plus personne dans la rue. Enfin, je ne savais plus très bien. Il y avait par terre des sacs, des livres, des ordinateurs et des téléphones portables. C’était comme si tout le monde avait fuit. Je ne savais plus très bien où j’étais. Le bourdonnement psychédélique était toujours là. Il ne s’était pas arrêté, il a juste été modulé sur une fréquence paradoxale. On entendait aussi des guitares qui jouaient des accords inconcevables. Perdu dans le 13eme arrondissement, j’admirais la beauté discrète d’une station service.

Finalement j’ai pris la voiture. Je voulais partir moi aussi mais je n’y suis pas arrivé. Je remontais la longue rue avant de m’engouffrer sur le boulevard périphérique. Toutes les sorties étaient bloquées. Je n’ai jamais réussi à aller au delà de la porte de Pantin. Je tournais en rond dans la nuit en voyant défiler devant moi les bandes blanches de la route. Je me suis arrêté en plein milieu. Je me suis  calmement endormi dans la jungle métallique des voitures abandonnées. Je crois que je resterai à jamais tapi dans la bouche de ce géant mécanique …

( ♫) SAÅAD – Giant Mouth

Mathieu