Dans ces moments toujours un peu angoissants où je me demande quoi écouter, il m’arrive fréquemment de remercier intérieurement quelqu’un comme Aidan Baker et son impressionnante productivité. Pour ce mois de décembre il vient de sortir un disque en solo – « Ecliptic Plane », de longs drones minimalistes enregistrés avec une guitare qui ont déjà sauvé plus d’une fois ma journée – et « Tabernanthe », un nouvel album de Nadja dont les bourdonnements viennent à point nommé pour transformer le reste de mon cerveau en une vieille ville détruite par un grand incendie. On y entend deux titres de quinze minutes chacun, où une avalanche de distorsion laisse par moment la place une basse soudainement ambiante et une vieille boite à rythme rachitique qui sonne comme le lointain écho d’un monde à part.
Je n’ai pas encore vu Leah Buckareff et Aidan Baker sur scène mais je les imagine debout devant une rangée de pédales d’effets et de séquenceurs numériques, chacun tenant une basse et une guitare, concentrés sur les nappes abrasives de leur musique. J’aurais probablement traversé toute une ville, changé plusieurs fois de trains, écouté quelques disques sans adresser un regard aux passagers, pour finalement atterrir dans une minuscule salle de concert, au milieu de quinze personne, face à une toute petite scène. Plongé dans le noir, mon esprit ne sera probablement plus qu’un immense labyrinthe enfumé dont il est devenu aisé de se perdre. Se retrouver allongé dans l’herbe à contempler la nature et le ciel devient finalement assez évident à l’écoute de ces grondements électriques, apaisants et saturés. Assurément l’un des plus beaux disques à écouter pour cette fin d’année.
( ♫ ) Nadja – Tabernanthe
Mathieu