Il n’y a guère de travail sur le vieux port industriel. Alors je traine entre les conteneurs reversés. J’y vois quelques vestiges dévastés de notre ancienne civilisation. Il y a une guitare au manche cassé en deux, une fusil qui finit de rouiller dans une vieille flaque d’eau, un sac de vis écrasé, un ordinateur à l’écran brisé. Je ne viens ici que deux jours par semaine, j’exécute les quelques tâches pour lesquelles je suis maigrement payé. Après, je pars prendre un verre au bar situé à côté des docks. Il y a ceux qui y croient encore, il y a ceux qui vivent de petits trafics sans conséquence, il y a ceux qui ont perdu toutes leurs idéaux et il y a ceux qui se sont syndiqués, mais tous nous buvons. Plus tard, il fait nuit, je suis saoul et je me retrouve seul dans la rue. La mer est devant moi, on peut entendre au loin le long bourdonnement du flux et du reflux. La vie ressemble aujourd’hui à un long disque de post-rock austère …
C’est le petit matin et des petits vieux se trainent jusqu’au marché. Ils avancent lentement et semblent payer à chaque pas les excès et les frustrations de leurs vies passées. Les effets de l’alcool s’estompent progressivement. La pluie tout doucement s’abat sur moi et je n’arrive pas à allumer une clope. Mes oreilles sifflent et j’entends le son d’un saxophone qui se perd dans le lointain. Il va falloir rentrer chez soi et se reposer. L’attente commence maintenant. L’attente, puis reprendre le travail sur le port dans les prochains jours. Encore une fois les mêmes gestes répétés inlassablement au fil des heures. Et puis au loin la mer. Dernier signe de liberté avec cette musique aérienne qui trotte dans mon crâne depuis des jours …
( ♫) Oiseaux–Tempête – Ütopiya / On Living (feat G.W Sok)
Mathieu