Mean Streets, Taxi Driver, Raging Bull, Les Affranchis et même le très décrié Nerfs A Vifs de Martin Scorsese m’ont toujours fasciné par leur style, leur violence, leur rédemption, leur bruit et leur fureur, et cela à chaque fois que j’ai pu les (re)voir. Mais depuis Casino, je trouve que Scorsese est devenu un peu mou, et même s’il a réussi à transformer Leonardo Di Caprio en bon acteur, j’ai été moins emballé par ces derniers films, qui tournent un peu en roue libre. Alors quand est sorti pour la première fois chez nous Who’s That Knocking At My Door, son premier long-métrage, j’ai rapidement été emballé par la force de ce cinéma d’auteur américain des années 60-70.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, tout Scorsese est déjà présent dans ce premier film, dans une forme de brouillon particulièrement bien filmée. A commencer par le style déjà moderne, avec un montage rapide et violent, le mariage entre les images et une musique rock, des ralentis. Les thèmes sont aussi déjà là, on y retrouve Harvey Keitel en jeune affranchi, qui passe son temps à trainer entre la rue et des bars miteux, puis tombe amoureux d’une jeune femme. C’est saisissant, mais on y retrouve bonne partie de Mean Streets, qui est quasiment la suite / remake de Who’s Knocking At My Door, et des Affranchis. Quand à la relation entre Zina Bethune et Harvey Keitel elle est à l’image des nombreux couples Scorsesiens, plutôt désastreuse. Entre désir unidirectionnel de Keitel et l’envie d’indépendance, ainsi que le poids du secret de Zina Bethune, leur histoire fini par ne pas marcher.
La question de la religion, autre thème éminemment Scorsesien, est aussi au centre du film, puisque Keitel traverse le film en attendant vainement une certaine forme de rédemption, il finira même au confessionnal. Les étreintes entre Keitel et Bethune ont quelque chose qui marie le sacré et le profane, au détour de ces scènes d’embrassade on y voit souvent une croix catholique. Enfin il faut saluer le sens du montage de Scorsese, qui réussi à placer au milieu de son film une scène de fesse, imposée par un producteur pour avoir assez de budget afin de finir le film, où l’on voit Keitel nu, coucher avec trois prostituées. Rien de bien choquant, mais il est assez saisissant de faire le rapprochement avec la même scène que l’on peut voir 16 ans plus tard dans Bad Lieutenant d’Abel Ferrara, toujours avec Harvey Keitel. Bon sang, mais Who’s Knocking At my Door serait donc une sorte de matrice des films new-yorkais sur la rédemption ?…