J’ai repris la marche. J’ai réécouté la musique. Inutile de dire que je ne sais toujours pas ce qui me fascine le plus, la basse répétitive ou la guitare totalement libre. J’ai continué un moment comme ça sous la pluie. J’ai cherché à joindre les deux extrémités de la ville. Je suis passé à côté du fleuve. J’ai regardé les bateaux passer en me demandant qui sont ces gens qui vivent encore dedans. J’ai repensé à ceux dont j’ai perdu la trace, à ceux qui sont loin, à ceux qui ont complètement disparus. J’ai regardé les troncs d’arbre et les feuilles jaunes se faire emporter doucement par le courant du fleuve. J’ai senti le vent se lever et la pluie redoubler de puissance. J’ai vu des nuages gris masquer le moindre rayon de soleil. Des gens s’arrêtent sur le pont pour prendre des photos. Des touristes probablement, ils trouveront ici un endroit pour accrocher leurs cadenas.
Sur le quai, j’ai vu une grue qui transportait un vieux conteneur depuis le cargo. Je me suis demandé ce que pouvait contenir cette cargaison que l’on vient de déposer à terre. J’ai entendu les ordres, les procédures et les efforts. J’ai perdu une partie de mon âme en essayant de comprendre ce mouvement décrit par l’agitation du travail. Un clou, une carte électronique, un capteur WIFI, une clé USB et quelques autres objets sont en train de rouiller dans une flaque d’eau vaguement rougeoyante. J’y vois une étrange forme abstraite dans cette lente dégénérescence des choses alors que la nuit est en train de tomber. J’ai repris la marche. J’ai réécouté de la musique. Inutile de dire que je ne sais toujours pas ce qui me fascine le plus, la basse répétitive ou la guitare totalement libre.
( ♫) Oiseaux–Tempête – Quai de l’exil