Je ne vous cache pas que j’ai la mauvaise manie d’y aller à reculons pour écouter des disques de rock chantés français. Je ne vais pas vous refaire le débat de la langue française et le rock, on s’en fout, cela fait déjà pas mal d’années que le débat en question n’a plus lieu d’être. C’est plus une vieille habitude qui ne veut pas partir avec l’âge. C’est probablement pour cela que j’ai souvent remis à plus tard l’écoute de « Dasein » de Sinaïve avant de me plonger dans ces mélodies distordues héritées d’une époque chaotique avec un enthousiasme proportionnelle à l’attente qui en a découlée.
Dans un monde qui reste chez soi, Sinaïve triomphe avec la jubilation sonique et imprévisible de cet EP de 5 titres. Paradoxe Français s’ouvre sur un sample du « Corbeau » de Henri-Georges Clouzot, évoque une comptine noise où le guitariste joue des allers-retours, au médiateur, sur une même corde, pour noyer nos oreilles par un riff parfait et ultra saturé. Syndrome de Vichy se fait plus indolent avec sa guitare acoustique et sa basse moelleuse pour un texte parfait en ce dimanche matin, « Aujourd’hui, je ne fous rien du tout / Je suis vaporeux / De quoi me parlez vous ». Eternel Retour est la lettre d’amour à Strasbourg, ville d’origine de Sinaïve, dernier titre nerveux qui enchaine sur une dernière ballade, Avec Elle, tranquille, Shoegaze et absolument parfaite.
5 titres seulement et puis cette musique s’arrête comme elle démarre, sur une promesse largement tenue et une envie immédiate de les voir en concert. Il faudra probablement attendre 2021 ou 2022 pour qu’une telle chose arrive, même si j’imagine déjà la soirée. Nous sommes où déjà ? Le Petit Bain ? Le Supersonic ? Je tiens une pinte de bière à la main. Le groupe arrive sur scène. La guitare électrique démarre au quart de tour. On entend les cris de la foule hystérique filmée par Clouzot. La boite à rythme est enclenchée et tout le monde hoche déjà la tête. Comment s’appelle le morceau déjà ?
( ♫) Sinaïve – Paradoxe Français
Mathieu