Je me rappelle de ce concert de Red Krayola. C’était il y a une dizaine d’années pour le festival Sonic Protest. Un petit salon a été reconstitué sur scène et Mayo Thompson nous rejoue ses vieux titres à la guitare acoustique, tranquillement assis sur un fauteuil. Tom Watson l’accompagne à l’électrique, il fait une courte pause avec les Missingmen. Ils s’arrêtent parfois pour prendre un verre de vin entre deux mélodies bringuebalantes pour sons triturés. Dimanche 5 Juin, Eloise Decaze et Sing Sing sont éclairés comme dans une fête foraine. Ils déambulent à la Boule Noire avec des instruments étalés par endroit. Ils viennent défendre leur nouveau disque, « Turnetable », et je me dis qu’au rythme où ils vont, ils pourront bientôt reprendre War Sucks en français.
Accords de guitare syncopée comme jamais, field-recordings enregistrés sur un vieux walkman retrouvé au fond du tiroir, voix grave pleine de tabac et chant mélodique déconstruit comme jamais : voilà quelques détails qui constituent l’essentiel de ces titres que l’on se surprend à chanter à tue-tête, en plein jour. Le Renard et son rythme hypnotique laissant Sing Sing au bord de l’épuisement avec son mantra « Le Soleil est un fusil, pan-pan-pan » fait office d’hymne automatique en ces temps de fortes chaleurs. Le Village évoque une fin de roman où l’on sortirait tout un orchestre – Eloise Decazes et Ernest Bergez avec un orgue laissent soudainement la place au bugle de Gilles Poizat – pour finir en apothéose. Vaisseau Spatial nous joue un folk boiteux, vaguement aviné, une trompette essaie de relier l’Auvergne avec un vieux bouge perdu à Tijuana mais une soucoupe volante nous emporte vers des vieux films de science-fiction des années 50.
Et sinon, je ne me lasse toujours pas de ce Oh Bagnole placé en ouverture. La chanson a des airs de tube cagneux, ça doit venir de cette harmonie dissonante joué au clavier. Le morceau tangue tranquillement avec son flow aux écrits surréalistes, tenus par la guitare lo-fi de Sing Sing. Le violon d’Ernest Bergez et la voix d’Eloise Decazes déformée par un vieux micro sorti d’on-ne-sait-où donnent un air mystérieux à ce blues pour naufragés. Mayo Thompson, une vache et un chien approuvent en hochant de la tête au fond du jardin.
( ♫) Arlt – Oh Bagnole
Mathieu