J’ouvre la porte. La pièce est sombre et le bruit étouffé d’une radio vient jusqu’à mes oreilles sans que je ne me rende compte où elle se trouve. La table est petite, la nappe est noire et un jeu de cartes est posé au milieu. Je le mélange en prenant soin de bien couper le paquet avant de prendre la première carte du dessus. Je la regarde, il y a un type triste devant cinq coupes, trois sont renversées, deux sont toujours debout.
« Vous vous accrochez à vos souvenirs, votre passé, entre chagrin et désespoir ». Une vieille dame vient de rentrer en prononçant cette phrase d’un ton un peu trop sentencieux pour être complètement prise aux sérieux. Je réponds : « Ça ne m’étonne guère avec tous ces disques que j’écoute, tenez, pas plus tard qu’hier il y avait le sixième album de Holy Wave. D’ailleurs, vous voulez que je vous raconte ? ». Piquée au vif, la vieille dame s’assoit. « Allez-y ! » me répond-elle sèchement.
Synthétiseurs vaporeux, guitares claires qui progressent bizarrement dans l’obscurité, voix atypiques et lignes de basse énergiques, rebondissantes comme au ralenti sur une rythmiques entrainante mais détendue : les quatre musiciens de Holy Wave ne sont pas à un paradoxe prêt pour enregistrer leur musique. Les lignes mélodiques du titre d’ouverture finissent par se perdre dans un étrange solo joué à la va-comme-je-te-pousse avant de disparaître aussi lentement qu’il est arrivé.
On navigue dans une sorte de pop shoegaze, onirique, aérienne et électronique sur Path Of Least Resistance. On a déjà entendu ça mais ce n’est pas désagréable. Et puis il y a les saturations qui viennent conclure Nothing in the Dark avec une sortie de route en sur-régime. Ça se termine de justesse, sans égratignure, et on se sentirait presque bien, confortablement installé au milieu cette musique distordue.
Avec The Darkest Timeline, Holy Wave invite Lorena Quintanilla au chant et leurs compositions prennent soudainement une direction plus atmosphérique. L’alchimie prend et le morceau décolle avec une sorte de psychédélisme doux que l’on accueille comme une tasse de thé enrichi de substances étranges.
Je termine mon monologue et j’ouvre les yeux . J’entends une porte claquer. La petite dame est partie sans m’attendre et je suis seul dans la pièce. Le jeu de tarot est rangé. Je ressors et le soleil s’abat sur moi. Je ne sais plus quelles coupes sont renversées et j’ai oublié quelques souvenirs. Le disque de Holy Wave, « Five of Cups », est dans ma main.
( ♫) Holy Wave – The Darkest Timeline
Mathieu