On l’oublie un peu vite, mais les années 90 se sont déroulés comme un remake bruyant des années 70. Le retour des guitares et des cheveux longs après une décennie marquée par les synthétiseurs et les looks chics aura été aussi une gigantesque cacophonie où la moindre émotion sincère a souvent été broyée par l’ironie cynique de l’époque. Au milieu de tout ce marasme, la scène indie a perduré grâce au shoegaze et au post-rock tout en faisant un pas de côté pour se réfugier dans une poignée de disque truffés de fulgurances cagneuses et de longues plages atmosphériques. Beaucoup de tempête sous les crânes qu’un label comme Numero Group choisit de rééditer depuis une quinzaine d’année. Une pugnacité qu’il faut saluer et sans qui un groupe comme Duster n’aurait probablement pas eu la carrière que l’on connait aujourd’hui.
Lignes de basse épaissies par une couche de distorsion, guitares recluses, voix cafardeuse et boite à rythme rachitique : voilà à peu près tout ce que vous entendrez sur le cinquième album de Duster, « In Dreams ». Le plus surprenant, et cela même si le label Numero Group croit toujours autant dans le groupe de Clay Parton et Dove Amber – Jason Albertini est parti après « Together » à la suite de problèmes de santé mentale – le succès est au rendez-vous depuis 2020 grâce à TikTok. Envers et contre tout, la génération Z s’est prise d’amour pour cette musique à travers ce réseau social, et si, du haut de votre quarantaine vieillissante, un doute vous assaille, allez donc faire un tour du côté de la chaine YouTube NeoPunkFM et vous serez agréablement surpris.
Et s’il fallait choisir un titre plutôt qu’un autre, pourquoi pas Black Lace. Le morceau démarre sur une suite de notes éparpillées dans l’espace avant de laisser la place à une flux de saturation joué sur une guitare réverbérée, elle sonne comme un étrange refuge, un abri loin du reste du monde, un havre paisible. Le chant est quasiment chuchoté devant le micro avant de laisser quelques accords distordues nous prendre par la main. Dans ces moments les plus calmes, le titre est porté par une basse précise et prognathe. Et puis, au bout de 2 minutes et 32 secondes, Clay Parton et Dove Amber s’arrêtent sans prévenir, sur une note stratosphérique.
( ♫) Duster – Black Lace
Mathieu