Jusqu’à quand faut-il laisser jouer la note qui résonne ? Le bourdonnement nous plonge-t-il autant dans un ailleurs imperceptible qu’une percussion nous dévoilant certaines splendeurs cosmiques ? Difficile d’y répondre alors que l’épuisement me tombe sur les épaules ce soir au Petit Bain pour l’événement Rage Sacrée. Je n’ai pas pris pas d’alcool en écoutant les groupes programmés, et cela malgré le folklore traditionnel joué à la perfection par Shovel Dance Collective. Autant dire que j’étais plutôt heureux de me retrouver dans le noir avec à peine une lueur rouge pour voir sur scène Rien Virgule. Synthétiseurs nébuleux, chant proche d’un obscure patois italien et batterie horizontale : Tout me donne alors l’impression d’avoir trouvé un refuge contre le bruit cauchemardesque de notre monde.
Sorti en ce début d’année, le nouveau disque de Rien Virgule, « Berceuse des deux Mondes » me donne parfois l’impression d’être hanté par leurs harmonies célestes. Les mélodies ambiantes et fiévreuses piannotées par Anne Careil s’entrelacent avec ses histoires psalmodiées en Italien tandis que les percussions déformées, rythmes incantatoires et échos lointains de Mathias Pontevia surprennent sans heurter, interroge sans violenter, expérimentent sans hésiter. Les nappes de synthétiseurs de Manuel Duval jouent avec l’électronique jusqu’à sonner comme un rêve vaporeux, une BO d’un Giallo qui se serait perdu dans la cinéphagie des années 80, une transe pour circuits et transistors. Dorénavant trio – Ils ont tragiquement perdu leur quatrième membre, Jean-Marc Reilla – Rien Virgule transporte jusque dans ses derniers retranchements, diffusent des ondes cosmiques pour nos mémoires et donne l’impression de n’exister que la nuit.
Plusieurs films semblent collaborer dans Chute imaginaire d’un Astre. A la fois un documentaire psychédélique où le compositeur de la bande-son aurait eu carte blanche pour faire sonner ses expérimentations bruitistes avec des claviers partant tranquillement vers le rock progressif. Anne Careil y chante d’une voix mélancolique, comme si c’était la fin du monde, malgré tout ce qui avait été fait pour l’empêcher, personne n’avait écouté, il est tant d’accepter tout ça avec calme et sérénité. Le petit solo de synthétiseur venant conclure le morceau est plutôt bienvenu. Dans mes souvenirs, le public bienveillant de Rage Sacrée et du Petit Bain l’avait accueilli chaleureusement.
( ♫) Rien Virgule – Chute imaginaire d’un Astre
Mathieu