
La basse ronfle, le break de batterie est simple et précis, le synthétiseur divague doucement en jouant une mélodie perdue dans le désert et la guitare évoque au loin les fantômes d’Ennio Morricone : On pourrait s’arrêter là concernant la musique de Tortoise mais on oublierait l’immense talent du groupe pour faire décoller le moindre morceau malgré une composition un brin cérébrale. C’est le cas de Vexations, entendu en ouverture de leur nouveau disque, sorti 9 ans après « The Catastrophist ». Au deuxième tiers du titre en question, ces musiciens nous jouent ce qu’ils savent faire de mieux : un mur du son où un chorus distordu arpente un groove hypnotique dans un mouvement perpétuel conviant machines, guitares et vibraphone.
Si le Tortoise de « TNT » ou « Standard » avait réussi à convier un certain public audiophile autour du terme « Post-Rock » à la fin des années 90 et au début des années 2000, il est clair qu’aujourd’hui le groupe joue sans ce préoccuper de tout cela, et c’est plutôt une bonne chose. Avec « Touch », sorti sur l’excellent label International Anthem, le groupe nous sort une série de morceaux mariant kraut-rock, jazz et musique électronique avec une fois de plus un travail de production aussi inaltérable qu’un puzzle complexe. Après quelques écoutes actives, les compositions de John McEntire, Doug McComb, Jeff Parker, Dan Bitney et John Herndon prennent ce côté un peu fonctionnel qui font de chaque note de clavier, de chaque ligne de basse, de chaque percussion un élément s’insérant soudainement dans le moindre temps mort du quotidien comme une ellipse indispensable.
Le quintette démarre Axial Seamount sur une rythmique motorik des plus hypnotiques. Guitare et basse conversent tranquillement avec un ensemble de riff et de courtes lignes mélodiques répétitives. Ce sont les synthétiseur qui partent explorer les territoires de l’inconnu musical en jouant des nappes bourdonnantes et atmosphériques. Et puis, au milieu du morceau, les percussions changent soudainement de mouvement, expédiant tout ça vers des cieux stratosphériques. Tortoise changera une seconde fois le tempo pour conclure avec la volonté de ne jamais jouer la note de trop.
Mathieu