Dix-sept secondes de silence. C’est peut être l’interview de Mark Hollis que l’on peut lire en ce moment dans Magic qui m’a donné envie de réécouter « Laughing Stock » en ce moment, le chef d’œuvre venu mettre un point final à la carrière de Talk Talk. Je me rappelle encore, lors de la grande période des Inrocks, on aimait beaucoup en parler de ce disque, le genre de trésor caché qu’on se refile entre spécialistes musicaux, bien que, paradoxalement, c’est le superbe acmé d’un groupe qui a eu droit à son quart d’heure de gloire dans les années 80 …
It’s My Life, Such A Shame, deux titres sympathiques que j’ai renié en bloc au moment où j’aurais dû écouter « Laughing Stock », des principes de découvertes musicales un peu trop rigides qui ont heureusement bien changé depuis. Car Mark Hollis, passionné par le jazz et la musique minimaliste, aidé par Tim Friese-Greene, enregistre là l’un des plus beaux albums de pop déléthère qui existe, à écouter seul, allonger sur son canapé, plongé dans le noir, le regard qui fixe le plafond, à attendre la pluie dans un état semi-gazeux …
Alors que fait-on quand on s’appelle Talk Talk et que l’on veut donner une suite grandiose à l’expérience exigeante de « Spirit Of Eden » ? On invite de nombreux musiciens, on les laisse jouer pendant des heures, totalement libres. On enregistre et on trie, on assemble, on recolle le tout, on en fait rejouer quelques uns, puis on obtient des titres aussi majestueux que Ascension Day ou After The Flood. J’adore ce dernier, et puisqu’il faut s’attarder sur les détails, j’aime bien cette phrase de guitare sinueuse qui avance on ne sait où, cet orgue qui réchauffe un peu, la voix lointaine de Mark Hollis et puis cette batterie si répétitive qu’elle fini par hypnotiser. Portishead, Tortoise, Radiohead et Labradford s’en souviendront quelques années plus tard …
Et puis il y a ces dix-sept secondes de silence placées en ouverture du disque. C’est presque punk d’imposer du silence là, comme si l’auditeur retrouvait une place plus grande que l’on lui avait donné auparavent, c’est déstabilisant. Certains ont parlé de suicide commercial à l’époque, c’est vrai qu’on est loin de la production excessive de It’s My Life. Dix-sept secondes de silence, je me suis toujours demandé si ça avait un rapport avec « Seventeen Seconds » de Cure … Dix-sept secondes de silence qui inauguraient les sept années de pause avant le premier album solo de Mark Hollis, sorti en 1998. Dix-sept secondes de silence, et puis plus rien …
( ♫ ) Talk Talk – After The Flood
Par Mathieu
A lire aussi, KMS qui a écrit sur Talk Talk d’une fort belle manière
Ouais j’ai lu cette interview aussi, j’ai réécouté l’album du coup.
(je vois aussi que tu as fouillé dans mes archives 🙂 )
Je n’avais jamais fait attention que le silence durait 17 secondes. Sûrement pas un hasard.
Héhé, quand j’écris sur des vieux disques je regarde un peu ce qui a déjà été dit. C’est pour voir sur quoi je peux insister et sur quoi il n’est pas la peine d’en remettre une couche. (donc oui j’ai fouillé dans tes archives :))
Depuis des années, entre autre dans divers articles ou “Best Of d’albums essentiels” aux Inrocks, je lisais des critiques dythirambiques de “Laughing Stock”. Je ne comprenais pas car pour moi, Talk Talk n’était pas un “grand groupe”, plutôt un groupe commerciale et mainstream a l’intérêt très vague.
Mais à force de lire de bons papiers et maintenant le tient, je me suis procuré “Laughing Stock”. Et l’ayant pas mal écouté attentivement hier soir et aujourd’hui, je comprends.
Comme quoi, même si l’on se dit “ouvert et sans apriori”, je dois reconnaitre que je m’étais trompé !
Merci d’avoir contribué à me montrer la réalité de ses qualités, et mon erreur de vision sur cet album !!!
Laughing Stock, je crois bien l’avoir écouté en moyenne une fois par semaine depuis sa sortie… Inutile d’ajouter qu’il fait probablement partie de mon top 3 albums (avec psychocandy et pornography), c’est peut être même celui que j’ai le plus écouté tous albums confondus.
Tellement unique, inspirant tant de monde… Dommage que l’aventure se soit terminée là, même si Mark Hollis nous aura gratifié d’un album solo ensuite, bien plus tard, et il y a bien longtemps…
Je l’ai découvert trop tard pour que cela devienne un disque de chevet :(. J’aime beaucoup Spirit Of Eden aussi, que j’ai eu la chance de trouver en vinyle. L’album solo de Mark Hollis, dommage que depuis il se soit transformé en JD Salinger de la pop …