« Unexpected Moments / The Most inopportune ». Quelque part autour de 1994, Laurent écoutait ce titre de Stereolab, Super-Electric, que l’on trouve sur cette étrange compilation, « Switch On ». Dans sa tête se rejouaient en boucle les derniers événements de la semaine qui vient de se terminer. Ca commençait à ressembler à une petite déprime, ça venait peut-être à ce déménagement récent, comme un changement difficile de la co-location à ce petit appartement de 25 m2, où il se retrouvait seul, entouré de disques, de livres et d’instruments de musique. En même temps, c’était ce qu’il cherchait, se retrouver seul, histoire de faire le point, de sentir où il en était de ses relations, avec son groupe, avec ses amis, avec Brigitte ; les guitares électriques et répétitives de Tim Gane ainsi que la voix de Laetitia Sadier cadraient plutôt bien avec la situation.
« Some see the flesh before the bones ». Le groupe s’était encore sévèrement engueulé, entre Jean-Christophe qui voulait profiter de son charisme pour tirer le groupe vers quelque chose de plus populaire, Paul qui ne disait rien mais qui énervait le groupe avec son sourire cynique visiblement appuyé par la drogue qu’il avait prit avant de venir, et Laurent, lui qui souhaitait aller vers quelques choses de paradoxalement plus intellectuel (dans les paroles, comme quand Laetitia Sadier chante la Lutte des Classes) et de plus direct et répétitif (dans la guitare, comme quand Tim Gane fait tourner en boucle ses accords sur sa Fender Jazzmaster). Avec Brigitte aussi ça ne tournait pas rond, elle qui l’encourageait plutôt à trouver un job après l’obtention de son diplôme après l’université, et lui qui voulait continuer de trainer dans ce groupe …
« To explain, I was made to exorcise his pain / Torn to pièces and (inform them) ». Alors cet après-midi il avait surtout envie de tout laisser tomber, à quoi bon continuer si c’est pour à chaque fois se justifier auprès des autres, donner des excuses, des explications et attendre une seconde chance … Il en avait juste ras le bol de cette vaine comédie dans les relations. C’est ce que lui renvoyait l’électricité abrasive de Super-Electric, ce titre étrange qui faisait l’ouverture de « Switch On » et qu’il faisait tourner en boucle depuis déjà une heure, à moins que ce soit deux, il ne se souvenait plus très bien.
« Beyond repair / Reforging / Some easy failure ». Alors Laurent s’est mis à jouer quelques notes sur son orgue Farfisa, il trouve que ça a quand même plus de gueule que le Yamaha de Jean-Christophe, que c’est quand même moins pompier ; ça le soulage d’entendre ces notes grasses qui résonnent. Ca et les rythmes hypnotiques de Stereolab, ça vous aide à sortir de toutes ses impasses. Il se dit qu’il faudrait changer des choses là dedans et en écoutant ces accords de guitare il commence à visualiser les options qu’il a à sa portée, il prendra son choix plus tard, en attendant il écoute Stereolab, encore et encore …
( ♫ ) Stereolab – Super-Electric
Par Mathieu
Ceci est la cinquième partie d’une histoire qui devrait s’étaler sur plusieurs chroniques de disque.