Je me souviens, en 1995, j’ai suis resté deux ans en internat pour mes études. Je dormais dans une chambre immense, que je partageais avec un punk qui écoutait exclusivement du rock alternatif français, François Hadji-Lazaro, Ludwig Von 88 et bien sûr Bérurier Noir. Il avait retapissé la chambre de dessins de filles nues et chaque soir je m’endormais en contemplant les crayonnés de ces corps qui semblaient jouir devant moi. Un jour, la CPE est venue, elle a demandé d’enlever les dessins, car elles les avait jugés trop obscènes. Le lendemain, mon colocataire s’est exécuté, il a viré les dessins de filles nues pour mettre à la place des affiches de la fédération anarchiste à laquelle il adhérait. J’en garde une immense leçon de résistance qui me sert encore aujourd’hui. Et pourquoi donc vous évoquer ces souvenirs alors que vous attendez sûrement que je vous décrive le dernier album de Cheveu titre par titre ? Et bien tout simplement parce que l’écoute de « Bum »me rappelle cette période où je découvrais le rock alternatif français.

( ♫) Cheveu – Juan In A Million

Le contexte et l’époque ne sont plus les mêmes, et il y a des moments assez étranges où l’on sent bien que le groupe calme un peu le jeu pour mieux installer des situations embarrassantes (cette phrase prend tout son sens si vous la relisez trois fois). Sur Polonia, Cheveu démarre doucement, il y a des chœurs mystérieux avant que l’on entendent ces quelques mots tirés de Buffet Froid « T’enlèves pas ton manteau / Tu vas manger comme ça ». Et puis le chanteur déclame le magnifique « On est tous en visite ». Passé ce texte jadis récité par le gros Gérard le titre s’envole vers une étrange dimension cosmique faite de boite à rythme Roland, de cordes arrangés à Tel-Aviv et de guitares abrasives …

( ♫) Cheveu – Polonia

Oh bien sûr, je vous vois en train de vous dire « il serait pas devenu un peu trop calmos le dernier Cheveu ? ». Ouais mais il y gagne, je trouve. Et puis il y a des titres qui vous envoient encore au tapis, comme sur « 1000 ». Il y a Juan In A Million que j’ai très envie de voir en live et puis il y a Albinos que je ne me lasse toujours pas d’entendre même après une quinzaine d’écoutes successives. C’est comme si on se retrouvait dans Gummo sauf qu’on aurait remplacé le sud white-trash et pauvre de Nashville par Saint-Ouen et la porte de Clignancourt …

( ♫) Cheveu – Albinos

Mathieu