Le Festival Villette Sonique propose ce 29 mai une affiche des plus surprenantes et improbables, le groupe de prog-rock Goblin officiant sur de nombreuses bandes originales de films d’horreur transalpins, Nissennenmondai, groupe japonais à la fois hardcore, noisy et électro, et enfin Liquid Liquid groupe culte et funky issu de la vague post-punk new-yorkaise. Il n’en fallait pas plus pour piquer notre curiosité.
C’est en rentrant dans la Grande Halle de la Villette que l’on se rend compte que le public de ce soir est assez varié, on y voit beaucoup de catogans et de tee-shirts de film d’horreur, de là à se dire que les lecteurs de Mad Movies sont venus en force pour voir Goblin, il n’y a qu’un pas. Le groupe, qui a composé la plupart des bandes son des films de Dario Argento, a su s’entourer d’une aura culte grâce à des citations appuyées par de nombreux groupes électro : Justice et Zombie Zombie d’Etienne Jaumet et Neuman les ont cité avec révérence. Et voilà donc que le groupe arrive rapidement sur scène et démarre en force, appuyant avec insistance sur des claviers baveux, une basse omniprésente, et une guitare électrique généreuse et bavarde. A ce stade il est important de rappeler que Goblin est un groupe de rock progressif, dont les nombreux effets de manche sont susceptibles de heurter les spectateurs les plus sensibles aux affinités pop. Mais malgré cet apriori, il faut dire que la musique du groupe fonctionne plutôt bien dans l’ensemble, et on retrouve avec un plaisir non feint les ambiances étranges et claustrophobiques de Profondo Rosso, Suspiria, Tenebrae et surtout du superbe funk horrifique de Zombie, issu du film “Dawn Of The Dead” de George Romero. Mais l’ambiance baissera rapidement lorsque Goblin jouera certains morceaux originaux ne figurant pas dans des films, laissant parfois la place à quelques soli de guitare des plus ennuyeux. Pour autant le set de Goblin reste assez fun, notamment grâce aux projections de nombreux extraits des films précités pendant les morceaux, qui nous plongent avec délectation dans une atmosphère de série B terrifiante.
Une partie du public part après le passage de Goblin, et c’est bien dommage car il rate l’excellent set des japonaises de Nissennenmondai. Composé d’une guitariste, d’une bassiste et d’une batteuse, le groupe réalise une sorte de musique répétitive, parfois à la limite de la techno, basé sur des phrases de guitare samplées en live, des lignes de basse carrées et surtout d’une section rythmique à la précision métronomique. Il faut saluer là le talent de Sayako Himeno qui pilote le groupe derrière ses fûts et plonge la salle en transe pendant les trente minutes de math-rock de Fan. Cette musique tribale se prolonge sur quelques titres avant de partir dans un climax rageur totalement noisy et hardcore, rappelant la puissance libertaire d’un free-rock que peuvent donner les membres de Sonic Youth en concert. Un grand moment et une très belle découverte qui ravira les fans de Battles.
Après une longue pause, c’est assez tardivement que les membres de Liquid Liquid débarquent sur scène. Très cool, leur mélange de funk et de punk plonge la Grande Halle de la Villette dans une ambiance fêtarde et dansante. Il faut dire que le groove produit par la basse et les percussions de Liquid Liquid possède de nombreuses vertus, comme nous faire remuer du derrière et nous redonner le sourire. Visiblement content d’être là le groupe enchaine avec une énergie presque punk, ainsi qu’une gigantesque coolitude, des morceaux aussi intenses que New Walk, Groupmegroup, ou encore Bellhead centré uniquement sur des éléments rythmiques et l’utilisation d’un vibraphone. Au milieu de ces éléments hypnotiques, la voix réverbérée de Salvatore Principato sonne comme un chant étrange, dont les paroles incompréhensibles sont plus utilisées comme un instrument mélodique que pour faire passer un véritable message. On notera aussi l’excellent Rubbermiro dont l’utilisation mélodica nous interpelle comme une sorte de dub blanc. C’est avec une immense joie que l’on retrouve le superbe Cavern dont la mythique ligne de basse nous envoie toujours de superbes vibrations pour nous pousser à bouger du bassin. Enfin le gigantesque Optimo vient conclure ce concert avec hédonisme et tribalisme. Cette approche minimaliste du funk ravit un public conquis d’avance et vient ponctuer une belle soirée dont on ressort heureux.
Article publié sur le site Indiepoprock.net