Pour sa première journée, le festival de La Route du Rock de Saint-Malo proposait les très attendus My Bloody Valentine, ainsi que quelques groupes noisy-pop plus contemporains, à commencer par A Place To Bury Strangers et Deerhunter. Heureusement les sets acoustiques de Mark Kozelek et Marissa Nadler sont les bienvenus pour démarrer en douceur le festival. Récit d’une première journée particulièrement chargée en déflagrations noisy.
Après une conférence de presse avec les musiciens de Tortoise plutôt chaleureuss, je me rend au Palais du Grand Large. A peine ai-je le temps de s’asseoir confortablement que Mark Kozelek arrive seul sur scène, juste avec une guitare acoustique à nylon. Pendant une heure, le songwriter de Red House Painters et Sun Kil Moon exécute un set exemplaire, où sa superbe voix réverbérée ainsi que les cordes pincées de sa guitare viennent emporter le public avec une grande humilité.
Une courte pause, et Marissa Nadler arrive seule sur scène. Exécutant un premier titre avec une voix mélancolique à vous filer la chair de poule, son jeu de picking s’inscrit parfaitement dans la continuité du set de Mark Kozelek. Vite rejoint par un groupe, Marissa Nadler gagne l’adhésion de la salle avec des titres folk, atmosphériques et légèrement mystiques. Alors que la chanteuse semble littéralement habitée par les personnages de ses chansons, beaucoup de personnes quittent la salle pour rejoindre le Fort de St-Père. Un choix plutôt injuste face à l’indéniable beauté élégiaque des titres de Marissa.
Je reste jusqu’au bout, et arrive donc tard sur le Fort de St-Père, ratant Crystal Stilts. Lorsque je débarque enfin sur le site, après une longue marche depuis le parking, Deerhunter a déjà exécuté quelques titres. L’impressionnant Bradford Cox triture sa guitare électrique pour en faire sortir quelques sonorités étranges et bruitiste, tandis que le bassiste Josh Fauver, très extraverti, entraine la troupe avec une rythmique particulièrement efficace. Naviguant entre noisy-pop et post-punk, le set de Deerhunter est superbe et nous prépare pour la suite qui s’annonce tout aussi électrique.
Le temps de faire le tour du site, je repère un stand qui vend des vinyles, qui se révèlera très utile par la suite. Tortoise arrive alors sur scène et confirme immédiatement son statut de supergroupe en démarrant son set par l’énorme High Class Slim Came Floatin’In. Composé en mille-feuille le titre propose diverses ambiances marquées par des claviers krautrock joués par un John McEntire impérial, la basse énorme de Doug McCombs et surtout d’une batterie qui sonne à la fois tribale et jazzy. Sur scène, chaque membre de Tortoise joue de trois instruments au minimum, jonglant de l’un à l’autre entre les morceaux, parfois même au milieu d’un seul, comme Dan Bitney qui passe allègrement de la batterie au vibraphone, de la basse à la guitare. Carré, efficace, et surtout d’une grande classe, Tortoise exécute des titres de son dernier album ainsi que des plus anciens comme le superbe TNT où les accents rocks et jazzy auront vite fait d’emporter le Fort de St-Père. Parfois lorgnant plus vers un côté tribal, notamment quand Dan Bitney et John Herndon jouent tous les deux à la batterie, Tortoise fut le grand moment de cette soirée.
Pour se préparer à My Bloody Valentine, je prends des bouchons, je me les place bien au fond des oreilles, puis je pars me réfugier loin de la scène. Inaudible, le groupe de Kevin Shields démarre par I Only Said, alterne des titres issus des albums, “Isn’t Anything” et “Loveless” et noie les festivaliers sous un déluge de guitares saturées dépassant allègrement l’humainement écoutable. Impossible d’entendre les voix des impassibles Bilinda Butcher et Kevin Shields sous cette masse de distorsion. Seule Debbie Googe, qui martèle sa basse avec des accords violents, semble apporter quelque chose de différent de cette chape de plomb noisy. Comme je les avais déjà vu il y a un an au Zenith, l’effet nostalgique a disparu, et lassé de ce déluge de larsens inécoutable, je pars alors dans le stand des labels pour repartir avec un vinyle de The Wedding Present. Entre deux larsens, je finis par reconnaître le superbe Soon qui réussit à ressembler à quelque chose au milieu de ce set désastreux. Enfin My Bloody Valentine termine son passage avec You Made Me Realise et son désormais célèbre pont bruitiste. C’est finalement à ce moment, loin de toute mélodie, que My Bloody Valentine trouve ses marques. Mais rien n’y fait, malgré quelques embellies, le passage des parrains du shoegazing se révèle désastreux de bout en bout.
Grâce aux bouchons, mes oreilles sont encore vivantes, et je peux en remettre une couche en terme de déflagrations guitaristiques avec A Place To Bury Strangers. Fidèle à sa réputation, le groupe d’Olivier Ackermann réveille les fantômes de Jesus And Mary Chain, et noie de nouveau les festivaliers encore restants d’une vague de guitares saturées. Visiblement fatigués, ils semblent avoir du mal à suivre le groupe. Est-ce l’heure qui commence à être tardive ? L’effet de l’alcool ? Où encore les acouphènes qui se réveillent ? Toujours est-il qu’avec un set de shoegazing audible, le groupe réussit là où My Bloody Valentine s’est bien planté. Après avoir fait subir de tels affronts sonores à nos oreilles, je pars me reposer pour une prochaine journée qui s’annonce encore bien chargée.
Par Mathieu
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