On vous parle d’un temps où l’on utilisait du Clearasil pour lutter contre des problèmes de peau, où George Bush Sr plongeait Bagdad sous les bombes et où Bret Easton Ellis venait jusqu’à nous avec un roman sur un trader serial killer. C’est dans ce contexte là, en 1991, que Nirvana sortait son second album “Nevermind”. Un cri de rage que l’on n’attendait pas, alors que nous écoutions la production molle de certains disques de hard-rock, et qui raisonnera profondément dans l’adolescence désenchantée de l’époque.
Car il faut bien dire que malgré de nombreuses écoutes, parfois ad-nauseam, Smells Like Teen Spirit impressionne toujours autant par son écriture nerveuse, et au delà de la colère on y entend un songwriting finalement très classique. Si Nirvana se nourrissait d’influences issues de la scène punk-rock indépendante américaine des années 80 (Dinosaur Jr, Mudhoney, Melvins, Sonic Youth, Pixies), il faut bien reconnaître à Kurt Cobain un talent d’écriture, tant il savait se plier au traditionnel exercice du couplet/refrain/couplet/pont/refrain. Une construction assez pop qui sera indéniablement l’élément qui assurera la portée d’un tel disque et le succès que l’on connaît. Geffen, la major qui venait de recruter Nirvana sur les recommandations de Sonic Youth, sentira rapidement venir la poule aux œufs d’or et permettra à ce disque de connaître une diffusion de masse, faisant ainsi rentrer le punk suicidaire de Nirvana en tête du Top 50.
Pourtant difficile d’y voir un quelconque calcul dans ces titres, il suffit de replonger sur les envolées acoustiques que sont Polly ou Something In The Way pour se rendre compte, textes sous les yeux, que les tendances dépressives, souffrantes et mortifères de Cobain était le terreau tourmenté qui donnait toute la force émotionnelle à ce rock furieux. Nirvana était aussi un groupe, qui nous aura aussi marqué avec les puissantes lignes de basse de Krist Novoselic, venant soutenir un Kurt Cobain à l’agonie ; ainsi que le jeu de batterie de Dave Grohl, qui passe allègrement de l’écrasement rageur de fût à l’expression d’un rythme qui palpite sur des titres plus calmes.
Pourtant, Kurt Cobain reniera la production trop propre de Butch Vig et tentera, avec difficultés, d’imposer Steve Albini pour la production d’”In Utero”. Le succès mal vécu, et tout un tas de problèmes dû à une dépression accentuée par la dope donneront à Cobain la triste fin que l’on connaît. Novoselic connaîtra alors quelques participations dans certains groupes de punk-rock indépendants (Sweet75, Flipper) et Dave Grohl partira fonder Foo Fighters, excellent groupe de rock à grosses guitares, mais qui ne trouvera jamais la recette insidieuse et noire d’un tel disque.
Article publié sur le site Indiepoprock.net