Il y a eu ce moment assez étrange où la campagne a succédé à la ville. Il n’y avait plus personne qui trainait dans les rues. La neige s’abattait sur les immeubles. L’agglomération était immobilisée par le froid. Les gens avaient pour la plupart quitté la ville. Le périphérique était désert. L’autoroute, sortie vers l’A3, semblait avoir été totalement abandonnée. On a roulé comme ça pendant des heures, seuls au milieu de la neige. En pleine campagne, le temps s’est distordu pour opérer comme une sorte de ralentissement. On a arrêté la voiture, on est sorti dans la campagne, au milieu des arbres enneigés. Il n’y avait pas de bruit, l’air était frais et on n’entendait que le bruit de nos pas quand on marchait dans la glace. On a fermé les yeux, on a écarté les bras, on a inspiré profondément. On entendait quelques notes de guitare acoustique au loin, comme pour annoncer notre lente progression vers l’apaisement …

Cela fait déjà quelques temps que je surveille avec précaution l’arrivée d’un disque de Phil Elverum, alias Mount Eerie. Difficile à saisir, passant de électronique à l’électrique ou l’acoustique, et parfois les trois en même temps, j’aime bien la plénitude de ces orchestrations simples que l’on écoute à la tombée de la nuit, ou au petit matin. Sur « Sauna », Mount Eerie démarre par un long drone de dix minutes qui vous invite au relâchement et quand une distorsion débarque de façon impromptue, c’est pour vous rappeler du caractère quelque peu chaotique du monde dans lequel nous vivons. Le dernier titre, Youth, est très beau. Il démarre sur deux accords de guitare sèche, on y entend ensuite la voix discrète de Phil Elverum et quelques arrangements électroniques. Et puis le titre s’emballe avec des bruits saturés et une batterie qui se fait plus violente avant de se calmer tout doucement. Le monde qui se dessine après ça est soudainement très réconfortant …

( ♫) Mount Eerie – Youth

Mathieu