Vendredi 22 Juillet, dans le métro je me remémore une liste trop longue de rendez-vous manqués et c’est dans un état de fatigue avancé que je remonte la rue Ménilmontant. C’est le premier soir de mes vacances et je décide de l’attaquer avec bruit et fureur en me rendant au concert de Swans à la Maroquinerie.
A peine arrivé, après avoir craqué pour le t-shirt de rigueur, celui avec la jaquette de « Filth », je pars chercher un verre au bar où je croise Michael Gira, planqué sous son désormais célèbre chapeau de cow-boy. Le temps de prendre une bière, il s’éclipse rapidement dans les loges. J’entre alors dans la salle et je vois un public varié, il y a deux / trois hipsters timides (les autres sont au concert d’Electrelane le même soir), des vieux punks, des gothiques, sûrement des lecteurs de Noise et un vendeur de Gibert. Je m’installe près de l’ingénieur-son, à l’arrière de la salle, en hauteur et accoudé sur la rambarde de la Maroquinerie, et j’écoute le funk doux qui passe en boucle histoire de faire attendre le public.
Kristof Hahn, qui joue de la pedal-steel dans la reformation de Swans, s’installe tranquillement sur un tabouret, attrape une Gibson SG rouge, et entame une poignée de chansons touchantes, en français, en anglais et en allemand, sur la base de quelques phrase de picking plutôt électriques et des plus agréables à écouter. Sa voix grave capte rapidement la foule et il ne tarde pas à se mettre toute la salle dans la poche, notamment avec cette superbe reprise de la Cigarette de Jacques Higelin qui laisse mes voisins pantois …
Puis le funk revient, mais pas pous longtemps, car déjà un des membres de Swans (je ne sais plus si c’est Thor Harris ou Kristof Hahn) monte sur scène et enclenche un drone dissonant avant de rapidement repartir dans la loge. Recouvrant le funk, le drone attaque déjà nos oreilles et tourne en boucle comme une sirène fédératrice pendant facilement cinq bonnes minutes avant que Thor Harris et Phil Puleo ne viennent jouer des percussions, du dulcimer et du vibraphones, avant d’être rejoins par Kristof Hahn à la pedal-steel (branchée sur une terrible distorsion qui va nous torpiller les neurones) et Chris Pravdica à la basse qui n’hésitera pas à nous attaquer l’estomac à coup de feedbacks caverneux qui fond BroOOOOooOOmmm. Finalement Norman Westberg et Michael Gira arrivent, empoignent leur guitare, attendent un peu, laissent encore monter la sauce de ce qui ressemble de plus en plus à une gigantesque introduction de No words/No Thoughts et puis les ambiances noisy semblent se ralentir doucement, mais pas longtemps, puisque Phil Puleo passe à la batterie et lance un gigantesque pilonnage abrasif suivi par le reste du groupe dans une parfaite synchronisation bruitiste menée par un Gira, metteur en scène de cette messe noisy, post-rock, dark, et no-wave …
De temps en temps Michael Gira s’arrête pour chanter, je reconnais la fin de No words/No Thoughts, Jim (seul moment de rare accalmie du concert), un morceau presque dansant où Gira se tape les fesses et se laisse aller à d’étrange convulsion de son corps ou encore le superbe Eden Prison qui vient conclure ces deux heures de concert intenses. Pour le reste tout n’est que courant électrique, câbles, micros, amplis, instruments, nappes d’ambiances sonores, bruits puissants et tribaux dans lesquels on se noie, on se perd, on se sent écraser. Et puis une fois ça s’arrête, occasion pour Michael Gira de se lancer dans un violent cri primal, un éructation primitive expulsée comme pour mieux retrouver quelque chose de barbare et de brut ; et si finalement c’était la seule chose à faire pour être écouter ?…
Je ressors abasourdi de la salle, je retrouve un ami et nous prenons un verre pour se remettre de nos émotions. Plus tard en rentrant en taxi, je me dis que je réécouterais bien les ambiances calmes que Michael Gira, Jarboe et Bill Laswell avaient composé sur cet album maudit que fut « Burning World », God Damn The Sun. Bonne nuit. Et puis demain je serais de nouveau au soleil, dans le sud, au MIDI Festival …
( ♫ ) Swans – God Damn The Sun
Par Mathieu
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