Le monde qui nous entoure semble se disloquer une bonne fois pour toute et la musique de Boris – contrairement à l’annihilation sonore de Merzbow que l’on retrouve aussi sur ce disque – contient en elle les premières mélodies que l’on pourrait entendre au lendemain de toute cette autodestruction. A cet instant précis où il faudrait entièrement reconstruire une civilisation, la musique à écouter ressemblerait à un long riff de guitare qui dégouline de fuzz. Que cette pensée me viennent au moment où le soleil brille ce matin ne me surprend guère.
On y entend un déluge de distorsions qui se déversent sur nous telle une chape de plomb brûlante. Tout ceci provient d’instruments traditionnels, des guitares Gibson, dont une SG à double manche – un manche guitare et un manche basse – ainsi que d’immenses amplis de marque Orange et à l’écoute de ces longs bourdonnements, il ne se passe pas un instant sans que je ne me laisse emporter dans une bulle sonore profondément saturée. C’est uniquement quand cette musique se calme, notamment sur Rainbow, que je prend soudainement conscience de ce sifflement acouphénique dans mes oreilles.
A l’écoute du deuxième disque – qu’il faut écouter en même temps que le premier – la guérilla bruitiste de Merzbow surgit pour se réfugier dans les tréfonds perdus de notre esprit avec l’unique intention de nous prendre en otage sans qu’on ait rien demandé. A la limite de la séance d’étripage sonique en règle, je finis épuisé par chacun de ces glitchs saturés dont je perçois par instant les restes vaguement électroniques et technoïdes. Sur la deuxième moitié de Planet of the Cows, j’entends un peu plus de basses, elles seront mon refuge jusqu’à la fin de ces dix-huit minutes et quarante-quatre secondes. Après ça, je ne veux entendre que le silence.
( ♫ ) Boris – Farewell
Mathieu