Mercredi 26 Octobre, j’arrive au Petit Bain avec une légère pointe d’appréhension. C’est la première fois que je vois en concert Acid Mothers Temple et je ne sais pas trop à quoi m’attendre tant les disques – « Son of a Bitches Brew », « Glorify Astrological Martyrdom » et le terrible « Are We Experimental ? » – que j’ai écoutés d’eux partent dans toutes les directions jusqu’à un point où mon cerveau perd rapidement les quelques attaches qui me retenaient encore à la réalité.
Deux Boules Vanilles sont là pour ouvrir la soirée et j’avoue avoir un peu de mal à rentrer dans cette musique répétitive et tribale composée à partir de deux batteries et des synthétiseurs analogiques dont les modulations d’effets font blips blips. Heureusement, j’insiste un peu pour une écoute prolongée, le duo se lâche plus sur la seconde moitié du concert et ce mélange étrangement technoïde évoque par moment certains titres de Battles qui ne me laissent pas insensibles. Toujours est-il que je n’aurais pas été contre une guitare en totale roue libre au milieu de tout ça pour ne pas avoir l’impression d’entendre un solo de batterie qui dure quarante-cinq minutes.
( ♫) Deux Boules Vanille (Live)
Je finis mon verre et j’entends déjà les premiers riffs stridents – joués sur une Fender Mustang plutôt impressionnante dans les aigus – de I Love UFO, aujourd’hui renommé en White Heat. Le frontman fait le fou pendant tout le set, il hurle dans son micro, il saute de partout, il fait quelques petits pas de danse et gigote sa guitare dans tous les sens pour générer de nombreuses distorsions pendant que le reste du groupe assure une rythmique puissante qui pylône gentiment mes oreilles. Même si je ne suis pas sûr d’écouter tous leurs disques, j’ai la certitude que pour White Heat, le bruit est le plus précieux des sons, à un point où il me semble possible de toujours passer un bon moment en les voyant sur scène.
( ♫) White Heat (Live)
Il est minuit, je commence à reprendre conscience du monde qui m’entoure. Des souvenirs éparses me reviennent comme une sale gueule de bois ou un vieux trip de drogué, alors que je n’ai touché à aucune substance hallucinogène et mon bilan alcoolique se limite à une seule bière ce soir. Il y avait les riffs de Kawabata Makoto dont la lourde guitare trouve instantanément cette puissance « sabbathienne » qui sonne comme une ode lysergique fuzzée à la gloire des acouphènes, Tabata Mitsuru échappé de Boredoms avec des cheveux roses, des lignes de basse absolument démoniaques, des harmonicas comme dans un vieux western, des drones ainsi qu’un theremin pour s’élever vers des horizons cosmiques et même un peu de folklore occitan dans les moments les plus calmes. Je crois que ce concert d’Acid Mothers Temple était vraiment un très (très) grand moment.
( ♫) Acid Mothers Temple (Live)
Texte, enregistrements et mauvaises photos par Mathieu Gandin