Composer avec une ribambelle d’instruments est une vertu que l’on se doit d’apprécier à sa juste valeur. Les canadiens de Holy Fuck font sans aucun doute partie de ces groupes précieux, depuis leur formation à la fin de l’année 2004 le quatuor construit une musique électronique avec un assemblage de synthétiseurs et de pédales d’effet. Ils jouent aussi de la batterie pour de vrai et bidouillent avec des guitares et des basses pour en sortir une musique à la fois savante et hédoniste. Une discographie que je n’avais pas encore explorée à sa juste valeur – même si Graham Walsh, qui joue des claviers chez Holy Fuck a produit quelques disques de Metz et Preoccupations – et dont la sortie de leur cinquième album, « Deleter », me permet de réconcilier mon cerveau avec mes pieds afin de mieux apprécier la douceur de l’hiver.
D’entrée de jeu, Holy Fuck multiplie les featurings de choix. Leurs invités viennent rééquilibrer ce disque là où il aurait pu partir un peu trop loin du côté de la froideur électronique. Les voix d’Alexis Taylor (Hot Chip), d’Angus Andrew (l’unique survivant de Liars) et de Nicholas Allbrook (Pond) sont chaleureuses, voire doucement lysergiques, comme sur l’immense Free Gloss dont la teneur festive réveillera les plus morts d’entre nous. Il ne m’en faut pas plus pour écouter cette pop répétitive comme on écoute les rythmes motoriks de Sunns, l’abstraction synthétique de Battles ou les structures modulées de Bitchin Bajas, en mettant un pied devant l’autre avec la ferveur de ceux qui parcourent la ville en pleine nuit.
Après une telle entrée en matière, Holy Fuck resserre les rangs et joue de tous ses instruments pour nous attraper au tournant avec Near Mint. Le groupe garde le contrôle de ses machines et nous apporte quelques riffs de guitare mélodique ainsi qu’une ligne de basse parfaitement ronde. On y entend de cette pop à l’alchimie si parfaite qu’il convient de ne pas trop se creuser la tête pour essayer de comprendre ce qui fonctionne si bien chez elle. En cas de grosse fatigue, seuls ces rythmes hypnotiques peuvent nous aider à dépasser l’abattement.
Mathieu