Je sors du métro et un petit rayon de soleil automnal pointe sur mon visage. Nous sommes le 15 Novembre 2000 et cela fait déjà deux mois que je suis officiellement rentré dans la vie active. Je marche entre les immenses bureaux de La Défense. Un jour, un ami m’a dit que ces immeubles sont construits sur des fondations tellement humides qu’ils peuvent s’écrouler à la moindre secousse. Allez savoir pourquoi, à ce moment je me remémore cette anecdote en allumant mon lecteur CD pour écouter « Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven » de Godspeed You! Black Emperor. Et quoi de mieux que les envolées lyriques de Storm ou Sleep pour imaginer la chute de ces gratte-ciels.

Tout ça n’est heureusement jamais arrivé, et je n’y travaille plus aujourd’hui. Mais j’y ai repensé la dernière fois que j’ai vu Godspeed You! Black Emperor en concert. Le groupe projetait quelques paysages urbains en décomposition pour accompagner ses orchestrations. Des images en noir et blanc, avec des colorations ocres qui conviennent parfaitement pour des bourdonnements d’amplis construits sur de longues envolées dépressives jouées au violoncelle, avec des guitares spatiales et des basses monolithiques. Tout cela fait bloc jusqu’à finir sur une tempête électrique dont la beauté sombre attrape les spectateurs jusqu’aux larmes.

Et nous voilà 20 ans plus tard, à travailler à la maison, à réécouter en boucle «  Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven » tout en se tenant le plus loin possible de l’ombre des immeubles tristes de La Défense. Pendant un temps j’ai longtemps considéré les mouvements que forment Storm et Static comme les plus grandes envolées emphatiques de ce disques. Mais aujourd’hui, je ne peux imaginer une plus belle ouverture que le monologue entendu sur Sleep où l’on est cueilli par cette phrase définitive, « They don’t sleep anymore on the beach » …

( ♫) Godspeed You! Black Emperor  – Sleep

Mathieu