Nous sommes en 1991. C’est l’été. Bitch Magnet se sépare et Superchunk n’en est alors qu’à ses débuts. Sooyoung Park et Lexi Mitchell passent du bon temps avec Mac McCaughan, qui troque ici la guitare pour une batterie, et font ce que beaucoup de gens de leur âge et de cette époque feront, monter un groupe de rock, Seam, où les guitares saturées cacheront à peine la fragilité de certains propos. On parlait de slow-core, d’indie ou de post-rock, mais c’était pour se donner un genre. C’était la musique que l’on pouvait entendre dans les années 90 en allumant la radio. Tout ceci semblait avoir disparu dans les limbes du temps jusqu’à aujourd’hui, où le label Numero Group s’est pris dans l’idée de rééditer cet étrange patrimoine.
Alors c’est quoi la musique de Seam ? Une guitare qui navigue entre l’arpège tristounet et les power-chords chargés de grosses distorsions. Des solos approximatifs, parce qu’on ne se refait pas et une batterie éparpillée. On chante comme on parle et comme on chuchote. Leur premier disque, « Headsparks », est sorti en 1992, bientôt trente ans, et on peut y entendre New Year’s, morceau de Seam que l’on a d’abord découvert chez Codeine, rare moment où la reprise arrive avant l’original. 10 morceaux, quelques invités comme Sarah Shannon des Velocity Girls et des mélodies fragiles qui finissent par s’enflammer, à moins que ce ne soit le contraire.
Sinon les premières notes de Decatur ont un air de madeleine de Proust à dévorer sans modération. Ça commence par un motif mélodique et une basse qui ronfle tranquillement. Le texte semble être magnifique quand on le distingue sous une couche de fuzz dilatée. On y décèle tout ce qui caractérisait cette scène musicale, des compositions fauchées mais inspirées, tentées par le désordre punk et certaines lenteurs. On y croit et puis on n’y croit plus avant de disparaître sur une ultime vibration de la guitare.
( ♫) Seam – Decatur
Mathieu