Travelling avant, extérieur nuit, plan en hauteur sur la ville. Les synthétiseurs modulent et les images des rues sous la pluie défilent sous nos yeux. Les néons brillent comme des lumières cosmiques qui réfléchissent sur les gens recroquevillés dans leurs manteaux d’inspiration nippon-germanique et une ligne basse démarre sa longue traversée mélodique. Des voitures volent, plan resserré sur le héros de l’histoire, un solo de guitare est exécuté, le chorus est généreux mais il n’en fait pas trop. Quelques bleeps électroniques viennent rythmer ce western minimaliste et futuriste. Fondu au noir.
Alex Hall et Emil Amos retirent leurs casques après avoir écouté la dernière prise enregistrée. La guitare acoustique d’Ilyas Ahmed s’est aventurée sur Evening Song. Elle sonne comme un intermède étrangement morriconien au milieu des nappes de claviers urbains que l’on peut entendre tout au long de « Anches En Maat ». Le dernier album de Grails demeure comme tous les autres, diffus dans les thèmes abordés – musique de space-opera post-apocalyptique, krautrock psychédélique vénérant un culte fou à Sun City Girl, drones bourdonnants – mais plutôt ramassé dans son propos, sept morceaux, rien à jeter, parfaits pour accompagner une fin de journée, coincé dans la ligne 8 du métro.
Les 12 minutes et 38 secondes de Anches En Maat viennent conclure le disque avec un étrange morceau de bravoure. Les vibrations d’une basse indéfinissable viennent assombrir des nappes de synthétiseurs mélancoliques et un riff de guitare softcore nous envahit d’une nostalgie moyenne. Je repense à ce film, à cette série des années 80, dont je ne retrouve pas les titres. C’est la musique parfaite pour relire cette vieille bande-dessinée de science fiction. C’est l’ultime générique où l’on inventent des images lysergiques qui défilent au ralenti devant nos yeux hagards.
Mathieu