Une rafale de bleeps nous saute à la figure avant même d’avoir compris pourquoi. C’est comme un programme informatique écrit sur un vieil ordinateur devenu fou. Le bruit blanc assaille nos oreilles et une basse slappée débarque sans prévenir, comme un rêve de free-jazz qui s’évapore dans nos pensées entre des réminiscences d’« Ocus Pocus » de Jaco Pastorius et un dub de Bill Laswell. Une nappe de synthétiseur vient adoucir tout ça. Elle est un matelas moelleux dans lequel il fait bon de se reposer. Et dire que Thomas Jenkinson ouvrait son nouveau disque – « Dostrotime » – avec une succession d’arpèges joués sur une guitare fantomatique.
Ecouter la jungle déstructurée de Squarepusher est toujours l’occasion de se perdre dans un labyrinthe de machines et de sons graves. Bassiste de formation, Thomas Jenkinson compose à l’instinct et mélange le jazz fusion avec une drum & bass enregistrée sur un vieux sampler en suivant l’excitation du moment, les yeux perchés sur un vieil écran LCD, loin de toute logique mathématique. Il nous livre une poignée de titres parfaitement orchestrés avec « Dostrotime », où l’effervescence des rythmiques numériques laisse parfois place à une guitare quasi-ambiante avec les trois intermèdes Arkteon. Comme un glitch heureux, un vieux fichier sorti d’une K7 pirate, une matière sonore retrouvée au milieu d’un disque-dur malmené.
Sur Akkranen on navigue au milieu d’un exorcisme cyberpunk. Le morceau démarre sur un downtempo plutôt inquiétant, les percussions sont claquantes, un clavier nous joue une petite mélodie aux allures de fractures géopolitiques et la basse s’aventure aux confins de la nuit. Dans son dernier tiers, la composition donne l’impression de grésiller, comme si des micro-processeurs brûlaient jusqu’à nous faire percevoir une sorte de futur fracturé de toutes parts avant de finir dans un état quasi-extatique. Des sons soudainement accueillants que nous font sentir comme des robots à moitié vivants.
Mathieu