Jeudi 30 Mai, j’ai eu la bonne idée d’aller voir Bodega sur la scène du Trabendo. Guitares nerveuses, percussions impériales, basse prognathe, le caractère débordant de Nikkie Belfiglio et son mini-kit de cymbales ainsi que l’extrême coolitude de Ben Hozie coincé sous son immense bonnet marron: tout était là pour que ces nouveaux parangons du punk alternatif new-yorkais trouvent une place de choix dans nos cœur. Il y avait ce soir comme une nouvelle jeunesse dans cette énergie folle, dans cette idée qu’un groupe de rock puisse, un temps, nous donner l’impression d’être à sa place, au milieu du monde, alors que ce dernier indique justement un sérieux coup de fatigue.
Bodega vient tout juste de sortir un nouveau disque, « Our Brand Could Be Yr Life », Les fans de Mike Watt, D. Boon et Georges Hurley apprécieront le clin d’oeil, et c’est l’un des plus beaux florilèges indie que l’on pouvait espérer : post-punk effréné par le chant très Riot Grrl de Nikkie Belfiglio sur G.N.D Deity, rock slacker gavé de guitares distordues sur Bodega Bait, un soupçon de pop 90’s avec Tarkovski qui s’étire sur scène vers un immense morceau de bravoure où les riffs flirtent avec une sorte de dance-rock urbain quasi-parfait. Les titres sont parfois entrecoupés de citations inspirées de coachs en développement personnel, on ne pouvait imaginer meilleure réponse sarcastique à de telles chimères vides de sens.
Sur Webster Hall, Bodega ralenti le tempo pour laisser Nikkie Belfiglio et Ben Hozie se répondre d’un couplet à l’autre, dans une suite de mélodies so 90’s. Une musique qui semble aujourd’hui sans âge, débarrassée de ces fantômes apparues entre la première guerre du Golf et l’élection de Georges Bush Jr. Je ne le savais pas jusqu’à ce concert jeudi dernier, mais Bodega, c’est à la fois un souvenir de notre jeunesse et un groupe en train de prendre la relève. J’y repenserai en les écoutant de bonne heure, entre deux cafés, au cours de matins difficiles.
Mathieu