Il y a environ six mois, je voyais Arab Strap jouer sur la scène du BBMix l’intégralité de « Philophobia », chef d’oeuvre parmi tant d’autres que compte leur discographie. Entre deux titres d’une tristesse et d’une beauté absolue, Aidan Moffat s’excuse presque d’avoir installer une ambiance aussi sombre et nous annonce un nouveau disque. Un sourire avant les larmes, et nous sommes déjà dans l’attente de « I’m totally fine with it 👍 don’t give a fuck anymore 👍 ». Je n’aime vraiment pas le titre, mais musicalement, c’est un truc un peu inattendu dont les premières notes sont à la fois un bilan des 25 dernières années et une envie de croire encore en l’avenir.
Lignes de basse saturées, batterie cognée ardemment, méthodiquement, à la force du poignet, guitares distordues, noisy, Malcolm Middleton a la volonté de déchirer nos oreilles : c’est avec cette musique énervée que démarre « I’m totally fine with it 👍 don’t give a fuck anymore 👍 » avant de déployer les invectives d’Aidan Moffat. Une ouverture en trompe l’oeil qui laissera vite la place à une sorte de post-rock dopé par une boite à rythme 80’s presque pop et un spoken-word imparable, touchant et profondément salutaire. En lisant le titre, on croyait découvrir un disque trop nostalgique et nihiliste, on y entend plutôt deux musiciens qui veulent encore y croire.
Sur Sad & Well, Arab Strap débranche ses instruments et attrape une guitare acoustique. Plus sombre, Aidan Moffat raconte l’histoire d’une vieille femme morte juste avant la pandémie de COVID et ne sera découverte que deux ans plus tard. Aucun détail et aucune horreur ne nous seront épargnés pendant que Malcolm Middleton nous joue une suite d’arpèges en accords mineurs accompagnés d’un rare arrangement pluvieux. Une accalmie musicale pour une histoire particulièrement funeste. Mais on prendra ça chaque matin sans hésiter pour la semaine à venir, histoire de catalyser la colère engendrée par l’horrible résultat des élections législatives, et de se réapproprier le titre avec un « I’m not fine with it, but I still give a fuck ».
Mathieu