Quelqu’un vous hurle dans les oreilles au moment où vous ne vous y attendiez pas. La batterie cogne, les synthétiseurs ronflent, la musique ressemble à un sévère mélange entre Minor Threat et Suicide et on a l’impression de se faire cogner par une foule qui se lancerait dans une sorte de danse de Saint-Guy préhistorique. C’est à peu près la sensation éprouvée en découvrant le dernier disque des Osees, « SORCS 80 », dont le titre fait autant penser à mot de passe expiré qu’à une classe de personnage de jeu de rôle. Un projet mutant que l’on doit à l’inusable pugnacité de John Dwyer, on est à 1 ou 2 sorties par an depuis 2003, et à l’immense élasticité de son groupe à géométrie variable.
On serait tenté de passer à côté de « SORCS 80 », album parmi tant d’autres dans une discographie pléthorique. Mais ce serait vite oublier la note d’intention de John Dwyer, faire varier à l’infini son proto-garage-psyché-post-punk avec des idées de composition poussées jusqu’à ses derniers retranchements pour en sortir un disque de passionnés à l’intransigeance foutraque. Cette fois, il abandonne la guitare pour un sampler Roland SPD-SX, il s’entoure de deux batteurs et laisse à son bassiste Tim Hellman les coudées franches pour tenir chaque morceau avec une énergie brute. Le résultat évite de peu la musique cathartique et expérimentale et réussi même à devenir totalement fascinant dans son irrévérence rock. Il nous ferait presque croire que l’on peut encore déblatérer dans un micro sur une suite de riffs en sur-régime, fût-elle jouer sur un synthétiseur.
Avec Earthling Osees ralenti le tempo. Un saxophone cosmique donne de l’ampleur à un morceau qui semble se demander en permanence s’il faut y croire ou pas. Sur la fin, le groupe fait la part belle à une sorte de solo bricolé avec des synthétiseurs tandis que la basse se permet même une ligne mélodique et prognathe d’une étrange efficacité, évoquant par instant la rigueur hypnotique de Holger Czukay. La tessiture de John Dwyer varie plus qu’à l’accoutumé, par instant il se laisse même séduire par les afféteries de la pop au détour d’un couplet. Grand bien lui en a pris.
( ♫) Osees – Earthling
Mathieu