On imagine une maison plongée dans le noir. Il est tard dans le studio et David Pajo repose dans un coin de la pièce sa Fender construite à partir de morceaux de Jazzmaster, Stratocaster et Telecaster. Le musicien regarde un temps ses mains tatouées avant d’écouter la prise enregistrée avec un sens de l’équilibre proche de l’acrobatie. Il arrête le mix et relève la tête pour regarder l’ampli et les micros avec un sourire de satisfaction. Celui qui a été un temps l’un des premiers combattants du Post Rock (Slint, Tortoise, excusé du peu) compose aujourd’hui au gré de l’humeur, en égrenant les riffs sur sa guitare comme un miroir tendu sur sa psyché.
On le sait, David Pajo aime composer des disques qui semblent se répondre en prenant des directions inverses. Après le folk de « A Broke Moon Rises », le voilà de retour aujourd’hui avec « Ballads of Harry Houdini ». On y entend tour à tour une surcharge de distorsions bluesy avec Thanks You For Talking To Me (When I Was Fat), un détour vers le Western crépusculaire sur Devil Tongue et un mélopée diaboliques où les lignes mélodiques virent à l’hypnose dès les premières notes de People’s Free Food Program. Six morceaux où le folk primitif rencontre le krautrock méthodique. Les riffs s’étirent parfois vers le psychédélisme doux avant que sa voix blafarde ne vienne chanter par surprise quelques paroles qui nous touchent en plein cœur. Des ballades griffonnées sur un coin de table qui en quelques accords traduisent une émotion à fleur de peau.
Avec Barfighter c’est la dérive dans les méandres de Palm Springs, comme dans un film de Monte Hellman où l’on pourrait se retrouver face à un Warren Oates crépusculaire. Batterie cagneuse, lignes de basse en béton armé et guitares aventureuses, il n’en faut pas plus pour que ce titre de Papa M décolle. Au bout de 2 minutes et trente secondes, David Pajo marque une pause en marmonnant quelques paroles d’une voix grave qui convoque à la fois les fantômes du blues et les errances existentielles de Brian McMahan. Un tour de passe-passe mené d’une main de maitre, justifiant parfaitement le titre du disque, « Ballas of Harry Houdini ».
( ♫) Papa M – Barfighter
Mathieu