Il est des rendez-vous que je ne saurais rater. La compilation « Pop Ambient » que le label Kompakt publie chaque année, en pleine hiver, contient toujours une belle collection de plages sonores introspectives. Marcher seul en pleine rue dans le froid de la nuit, errer dans une forêt alors que le soleil semble poindre à travers les nuages ou tout simplement se resservir une tasse thé : Ces quatorze morceaux s’écoutent comme une déambulation lente dans des inter-dimensions sombres et baroques. Un pas de côté bourdonnant qui sonne comme un refuge troublé face à l’anxiété chronique que l’on peut ressentir dans la dérive chaotique de notre monde.
Des premiers drones vaporeux de Goldwasserfluss aux instruments traditionnels à corde de In Defense Of Symbolic Value 1 en passant par les boucles hypnotiques de Analysis of Variance II, ces sonorités précieuses évoquent des ambiances presque palpables, comme une énigme que l’on pensait pouvoir élucider avant de se perdre dans de fausses pistes, des dédales rougeoyants et ténébreux sur des sols marbrés, noir et blanc. La compilation « Pop Ambient 2025 » rassemble une liste de petits chefs d’oeuvres qui, au fur et à mesure des écoutes, deviennent progressivement une sorte de rempart indolent contre la violence sauvage de l’ultralibéralisme.
Sur Artifacts of Synthese, un morceau de Segensklang, on entend une série de boucles qui finissent par s’entrelacer jusqu’à nous fasciner par son minimalisme hallucinatoire. Une note vaguement distordue et cotonneuse, une basse lointaine, comme une pulsation vivace, puis une petite phrase mélodique jouée sur un synthétiseur venu d’un autre temps. On n’entendra guère plus de cette musique qui est à la fois comme une descente crépusculaire et une saut intemporel. Un bon moyen de se rappeler que le passé conditionne le futur.
( ♫) Segensklang – Artifacts of Synthese
Mathieu