Il n’était pas question que tu traverses toute la région parisienne en RER.
Tu n’as plus la force de rester derrière la fenêtre à voir défiler les banlieues grises, les immeubles sombres, les tags un peu moisis.
A ce moment là, un cadre s’endort doucement sur son siège.
Tu te demandes à quoi il peut bien rêver ?
Il est peut être assailli par une montagne de tâches qui lui reste à finir au travail …
Ou bien Est-il en train d’exprimer des remarques misogynes sur la secrétaire ?
Et ce nouveau qu’il n’arrête pas de charrier ?…
Es-tu en train de te faire engueulé par ton petit chef ?
La violence ordinaire du monde du travail.
Je me demande comment tu as encore la force de la supporter.
Il n’était pas question qu’il se mette à pleuvoir autant et que tu te retrouves là, à marcher le long de ce boulevard avec ses pensées qui tournent dans le crâne et finissent par te bouffer.
Tu te demandes comment tu trouves la force d’avancer, encore.
Tu cherches encore …
Mais tu t’attendais à quoi ?…
A ressasser pendant des heures sur la forces quotidiennes du mal.
Moi je la ressens souvent, mais c’est sûrement parce que j’ai toujours été timide.
Je crois que je la connais depuis que je joue dans la cours de récré ou quand je trainais dans la cage d’escalier quand j’étais enfant.
Je me demande si tu te souviens de ce moment où tu as pris conscience de ton rôle dans cette intrigue …
Il n’était pas question d’écouter un autre disque pendant cette période un peu triste.
Je crois qu’il me faudra une année pour digérer les cinquante-quatre minutes et vingt-six secondes que l’on peut entendre sur Les Heures.
Je me vois déjà à décortiquer tous les textes, à essayer d’analyser toute cette noirceur, mais aussi toute cette humanité.
J’écoute ce disque et j’y entends des choses qui résonnent en moi.
J’y entends aussi des choses qui me font peur.
Et puis il y a la voix de Pascal Bouaziz.
C’est elle qui avance.
C’est elle qui prend son temps.
Je me demande comment il fait pour laisser se déployer ces histoires là.
Il n’était pas question que j’écrive ce texte à la première personne.
J’ai essayé d’écrire des histoires mais je suis revenu à moi.
A jouer avec des « tu » on finit par écrire des « je ».
C’est bien qu’il y ait des disques qui vous procurent cet effet là.
Il faudra voir ce que ça donne avec le temps.
Il faudra bien voir ce qu’il en reste.
Je me demande ce que ça va donner en vinyle.
Il n’était pas question que j’écrive tout ça.
Il n’y pas d’autre chose à faire.
Non, il n’y a pas d’autre chose à faire, à part en rester là …
Je me demande ce que tu en penses ?
Mathieu