Vendredi 6 mai, c’est mon deuxième concert en deux semaines, tu y crois ça ? Ca ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Les jours se rallongent, le soleil s’invite timidement et le vin rouge coule à flot. Ce soir, je vais au festival Villette Sonique et je vois pour la troisième fois Ty Segall. Il y a aussi Coachwhips et Man Or Astro-man, l’affiche est belle. Nous allons y entendre du punk-rock-garage où de jeunes gens pogotent intensément et sautent de la scène pour être porté par la foule. Qu’à trente-six ans je sois impatient d’aller à un tel concert est peut être inquiétant …
En attendant Coachwhips, je bois un verre de vin rouge, ou du moins quelque chose de vaguement chimique qui semble s’en approcher. Tant pis pour mon estomac. J’entends la foule qui s’anime. Coachwhips s’installe dans la fosse, au milieu du public. Pour rappel, Coachwhips est l’un des nombreux groupes formés par John Dwyer, l’éminent frontman de Thee Oh Sees. Dwyer envoie quelques riffs rentre-dedans, le batteur tient une rythmique binaire, la fille joue sur un synthétiseur Casiotone M-10 au son dégueulasse mais absolument indispensable (je sais, j’ai le même). Les vigiles essaient tant bien que mal de contrôler la foule, mais leurs efforts se révèlent assez vain. Coachwhips est tellement bourrin que je dodeline bêtement de la tête sans penser au lendemain.
( ♫) Coachwhips (Booltegs)
S’il fallait dresser une liste des groupes détestés par Simon Reynolds, il y a des fortes chances pour que Man Or Astro-man ? se retrouve en haut du podium. Dans une ambiance rétro-futuriste psychédélique, ça sample de vieux films de science-fiction et ça projette sur un écran géant du code que j’aurais pu écrire à douze ans quand j’apprenais encore le Basic sur un Amstrad CPC 6128. Man Or Astro-man ? joue toujours ce même morceau complètement crétin et je n’arriverais jamais à me lasser de cette vieille rengaine surf-rock, garage et noise.
( ♫) Man … Or Astro-Man (Booltegs)
Il n’y a pas vraiment de surprise dans le set de Ty Segall Band mais ce n’est pas trop grave. Comme je connais par cœur les morceaux, j’écoute d’une oreille discrète et j’observe les adeptes du stage-diving. Il y a ceux qui sautent loin, avec grâce et assurance, le geste est exécuté avec une habitude et une maitrise évidente. Je remarque aussi ceux qui hésitent, j’ai l’impression qu’ils ont un peu peur au début, mais quand ils se laissent rapidement aller ça va beaucoup mieux. Et puis il y a ceux qui n’ont pas chance, qui s’apprêtent à sauter juste au moment où le groupe s’arrête. Ce n’est que partie remise, Ty Segall enchaine les titres avec une telle énergie qu’ils pourront rapidement exécuter leur petit rituel dans les secondes à venir. Quand je ressors de la grande halle de la Villette, j’entends quelques vieux habitués de concert laisser tomber la distance et le cynisme de rigueur pour s’exclamer avec enthousiasme sur la soirée qui vient de se passer. C’est assez rare pour être souligné …
( ♫) Ty Segall (deux titres attrapés au milieu du set)
Texte, mauvaises photos et booltegs par Mathieu Gandin