Il a suffit de quelques prestations à Black Midi – comme leur passage intense à KEXP – pour confirmer tout le bien que l’on pense d’eux. Ils me font penser à Slint ou à cet obscur groupe de Math-Rock découvert par hasard sur Reddit. Leurs morceaux partent dans plusieurs directions à la fois, les voix sont soit repliées sur elles-mêmes soit purement agressives. Les riffs de « Schlagenheim » sont tellement distordus et étrangement tarabiscotés que je ne me lasserais probablement jamais de les écouter. C’est bien simple, je regrette déjà de les avoir ratés lorsqu’ils sont passés au festival Villette Sonique et je m’écoute quasi-quotidiennement Ducter dont le travail de composition révèle une ambition furieuse comme je n’en avais pas entendu depuis longtemps.
Ducter démarre sur une polyrythmie tendue où une phrase ternaire de guitare répond à une batterie au bord de l’explosion. Geordie Greep a la voix anxieuse, il semble raconter une histoire décousue à son micro et il nous donne surtout l’impression d’explorer un phrasé bizarrement atonale. Vers 2mn30, la rythmique ralentit, le groupe semble bloqué sur lui même avant de partir dans une fulgurance bruitiste trente secondes plus tard. Puis ils reviennent au calme mais ce sera de courte durée. Black Midi finit par envoyer le morceau dans le mur avec la ferveur de ceux qui détruisent méthodiquement leurs sons.
Je sens encore de cette tension prégnante lorsque je termine d’écouter « Schlagenheim ». J’ai pris ces compositions ciselées comme du fil de fer barbelé en pleine gorge, sans m’y attendre. Les quatre de Black Midi n’en sont encore qu’à leur début, mais je sens bien que leur patchwork constitué de hardcore fiévreux, de post-rock progressif et de musique électronique hypnotique ne nous a pas encore livré tout ses arrangements. Il leur reste encore mille façons de défigurer et reconfigurer leur musique.
( ♫) Black Midi – Ducter
Mathieu