Je me suis promené à la frontière de ces vieux souvenirs pendant de longues années. J’habite dans une petite maison à côté de la forêt. Il n’y a personne d’autre que moi. Je sors me promener dans la campagne avoisinante à la fin de l’après-midi lorsque les quelques gouttes de pluie acide finissent de s’abattre sur notre planète. Je prends toujours ce chemin boueux où l’on peut encore voir quelques vestiges déliquescents d’une époque révolue. Là, le programme informatique d’un vieil écran de publicité fait encore défiler les spots du siècle dernier. Il est partiellement recouvert de la végétation environnante. Ici, une voiture désossée se fait envahir par un lierre sauvage. Quand je suis revenu chez moi, il ne me restait plus qu’à écouter cette musique minimaliste et hantée.
Les jours suivants, je me suis remémoré ce bourdonnement léger, cette rémanence désuète. On peut y entendre quelques notes de piano lointaines, comme un signal envoyé d’un autre monde. Il y a aussi ce violon ambiant qui me donne l’impression de retrouver les traces imperceptibles d’un monde dorénavant perdu. Je ne crois pas aux fantômes mais j’ai ressenti, un temps, ce passé inconnu, ces lieux abandonnées dont on ne garde qu’un étrange souvenir après les avoir photographiés. Le calme de cette musique atmosphérique a des vertus quasi-thérapeutiques.
Le matin, je reste seul, perdu dans le silence. L’air obscur trace des formes géométriques dans les arbres. Comment s’appelait l’artiste déjà ? Ah oui, Richard Skelton. Et son disque ? « Border Ballads ». Je fais mes adieux au vent et je me rappelle combien il est indispensable de ne pas écouter la note de trop.
Mathieu