La porte de la maison est ouverte. Nous sommes accueillis par Bill Callahan qui nous amène jusqu’au salon. On évite de justesse un jouet planqué en embuscade sur le tapis. Il y a du thé et du café pour tout le monde. Une guitare acoustique trône dans un coin. Bill parle un peu plus que d’habitude mais il garde toujours ce regard un peu perdu dans le vague. On discute tranquillement pendant une heure et on se sent plutôt bien. On parle d’oiseaux, de peintures, d’enfants en bas âge, de chevaux et de free-jazz aussi. La nuit tombe et Bill nous raccompagne déjà jusqu’à la porte. On n’a pas vu le temps passé, Bill non plus et il faut déjà retourner à notre quotidien, notre réalité.
La musique de Bill Callahan était plutôt sombre il y une vingtaine d’années, elle s’est adoucie depuis. Je me souviens encore de la découverte de « Rain On Lens », sa pochette en noir & blanc, ses guitares squelettiques et il fallait lire les paroles de ce folk-rock sensible. Depuis, Bill s’est détendu, les joies de la vie en couple, la parentalité, la vie au calme, à la campagne. Il y a eu « Apocalypse », « Dream River » et surtout « Shepherd In a Sheepskin Vest » pour se laisser porter doucement par un songwriting apaisé. Mais entre deux arpèges, Bill joue toujours sur des motifs répétitifs à la guitare avec Bowevil, entre deux lignes de basse détendues, le visage de Bill se tend parfois sur des inflexions où la tessiture se fait plus grave, entre deux lignes de texte, la réalité refait surface.
Le dernier album de Bill Callahan, « YTI⅃AƎЯ » est d’abord venu à nous avec le titre Coyotes. La chanson se laisse écouter sans forcer. J’imagine que Bill l’a enregistrée de la même manière avec une suite d’accords de guitare qui venait comme ça. Jim White derrière la batterie, le poignet souple quand il tape sur ses fûts, soutient le morceau avec Emmet Kelly à la basse. Une ligne mélodique au piano, loin sans faut, naturellement, et une petite phrase de guitare électrique, il n’en faut pas plus, pas moins, pour que cette musique coule de source. Il faudra voir Bill nous la jouer sur scène, avec le visage qui se tend parfois sur des inflexions où la tessiture se fait plus grave, nous racontant des histoires d’oiseaux, de peintures, d’enfants en bas âge, de chevaux et de free-jazz aussi. Le genre d’histoires, parmi tant d’autres, que l’on écoute volontiers pour mieux supporter la réalité.
Mathieu