Le quartier est en deuil, David Crosby vient de nous quitter. La route défile devant nos yeux. Le soleil californien est encore doux en cette période de l’année et un petit vent frais s’engouffre dans notre voiture quand on commence à gravir les hauteurs de San Francisco. Meg Baird traine dans son jardin, elle attrape sa guitare acoustique pour écrire le premier couplet de son prochain disque. Elle laisse partir sa voix vers des chemins divergents, des rêveries, des souvenirs avant de se reprendre pour considérer la nature qui l’entoure. Notre voiture a bifurqué pour Laurel Canyon avant de reprendre le trajet de retour.
Je garde un souvenir fugace du premier disque de Meg Baird, un compagnon d’infortune à l’époque, et aussi une bonne excuse pour réécouter Esper tout en ressortant les vieux vinyles de Fairport Convention. Je me rappelle aussi avec émotion de l’électricité rêche de Heron Oblivion ou encore de son passage en concert en première partie de Kevin Morby et Steve Gunn, il y a quelques années au Trabendo. Sur « Furling », elle signe probablement ses plus beaux morceaux, les compositions sont claires-obscures, le piano joue des mélodies insaisissables, le finger-picking tente des variations cendrées, et quand les orchestrations s’étoffent sur Will You Follow Me Home ?, la basse rebondit placidement pour laisser la place à une pedal-steel stratosphérique.
Je reste en apesanteur en écoutant la voix de la chanteuse. Que ce soit dans l’ouverture fantomatique de Ashes, Ashes, portée par sa guitare acoustique sur Star Hill Song, tenue par un percussion douce avec The Saddest Verses ou accompagnée juste par un piano pour les dernières notes de Wreathing Days, la chanteuse tutoie les sommets et nous invite à paresser tranquillement dans un jardin californien, coincé sur les hauteurs de la ville, entre brouillard et zénith. Le quartier est en deuil, David Crosby vient de nous quitter, mais cette musique folk perdure grâce à Meg Baird.
( ♫) Meg Baird – Will You Follow Me Home ?
Mathieu