Samedi 9 Juillet, il est seize heure et par je-ne-sais encore quel enchainement du destin, je me retrouve à prêter une guitare acoustique – un Martin D15 pour ceux qui veulent savoir – à Lee Ranaldo qui joue ce soir au 104 dans le cadre d’une nuit hommage à la ville de New-York et son foisonnement culturel. L’affiche annonce aussi Rhys Chatham, Tyondai Braxton, Dälek ou encore Charlie Looker qui ouvre le bal tout seul en acoustique. Depuis quelques années, je me trimbale une étrange fascination pour les albums d’Extra Life. Pour moi ils font partie des choses les plus belles et dérangeantes à écouter qui soient et ceux qui sursautent encore de terreur à la fin « Dream Seeds » savent de quoi je parle. Charlie Looker – avec un t-shirt du groupe de black-metal Cobalt, voilà qui force le respect – joue seul avec sa guitare folk. Je fais un peu plus attention à sa voix dont les mélodies semblent reposer sur une étrange alchimie qui tient autant des vocalises médiévales que de la tessiture de Morrissey. Cette musique est juste parfaite pour moi et rien ne vaut un concert dont le calme apparent cache mille terreurs horrifiantes quand on se penche lentement sur ces textes déstabilisants.
( ♫) Charlie Looker (Live)
Je loupe la première performance de Lee Ranaldo mais je suis là pour voir l’hommage à Moondog de Dominique Ponty, qui a été l’une des dernières pianistes à collaborer avec Louis Thomas Hardin, et le percussionniste Stefan Lakatos qui prend soin de transmettre l’héritage musical du compositeur de Bird’s Lament. Entre deux courtes pièces les deux musiciens nous dévoilent quelques mystères sur les créations de Moondog. L’art du contrepoint et les procédés rythmiques qui tiennent à la fois du râga indien, de la bossa minimaliste ainsi que les mélodies minimalistes jouées au piano ne tardent pas à faire leurs effets sur moi. Je termine le concert assis, à hocher la tête de bonheur en écoutant tant de simplicité.
( ♫) Stephan Lakatos & Dominique Ponty play Moondog (Live)
Je fais le tour des lieux et j’entends Rhys Chatham qui module un énorme drone à la guitare. Il est accompagné de trois percussionnistes dont les rythmes – tantôt en provenance d’Afrique, tantôt en provenance d’Amérique du sud – ne tardent pas à transformer l’endroit en une gigantesque piste de danse où chacun se sent libre de se trémousser dans une série d’impressionnantes convulsions. Je ne suis pas trop dans l’ambiance mais c’est très beau.
Je m’assoie enfin pour assister à la prochaine performance de Lee Ranaldo. Après avoir parfaitement exécuté un nouveau titre de son prochain album, le voilà qui vient pendre sa célèbre Fender Jazzmaster bleue avant de l’envoyer tourner dans tous les sens afin d’en sortir un long bourdonnement cinglant et distortionné pendant que sa compagne Leah Singer projette quelques créations visuelles dont les images semble défiler à différentes vitesses. Clochettes, archet qui fait résonner la guitare, gong frappé par le public, Leah et Lee ne sont pas avares en énergie créatrice et tout ceci ne tarde pas à me plonger dans une sorte de transe hypnotique avant qu’un lancer de patates improbable et non moins amusant sur l’un des gongs ne vienne ponctuer ce moment.
( ♫) Lee Ranaldo (Live)
J’avoue être assez curieux à l’idée de voir l’ex-Battles Tyondai Braxton sur scène, et pourtant, après quelques écoutes de cette musique électronique assez froide je dois bien reconnaitre que sur disque ou en concert, je ne comprendrais pas. Malgré deux ou trois moments un peu plus rythmés que d’autres je préfère m’éclipser pour voir une deuxième création sonore de Rhys Chatham.
( ♫) Tyondai Braxton (Live)
Il est presqu’une heure du matin, j’accuse un premier coup de fatigue et je sais déjà que je ne pourrais malheureusement pas rester pour voir Dälek. Lee Ranaldo sort les guitares acoustiques et exécutent quatre titres, les trois premiers sont nouveaux et sortiront bientôt sur un prochain disque et le dernier est le très beau Ambulancer qui s’écoute tranquillement à la fin de « Last Night On Earth ». Quelques mots échangés avec l’ancien Sonic Youth après avoir récupéré ma guitare seront pour moi les derniers moments de cette soirée avant que je ne plonge dans un sommeil bien mérité.
( ♫) Lee Ranaldo (Live)
Texte, enregistrements et mauvaises photos par Mathieu Gandin
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